Anton Ocvirk: ob stoletnici rojstva
Gespeichert in:
Format: | Buch |
---|---|
Sprache: | Slovenian |
Veröffentlicht: |
Ljubljana
Nova Revija
2007
|
Schriftenreihe: | Znameniti Slovenci
|
Schlagworte: | |
Online-Zugang: | Inhaltsverzeichnis Abstract |
Beschreibung: | Zsfassung in franz. Sprache |
Beschreibung: | 287 S. Ill. |
ISBN: | 9789616580243 |
Internformat
MARC
LEADER | 00000nam a2200000 c 4500 | ||
---|---|---|---|
001 | BV023300693 | ||
003 | DE-604 | ||
005 | 20090702 | ||
007 | t | ||
008 | 080515s2007 a||| |||| 00||| slv d | ||
020 | |a 9789616580243 |9 978-961-6580-24-3 | ||
035 | |a (OCoLC)259746584 | ||
035 | |a (DE-599)BVBBV023300693 | ||
040 | |a DE-604 |b ger |e rakwb | ||
041 | 0 | |a slv | |
049 | |a DE-12 |a DE-355 | ||
050 | 0 | |a PN75.O485 | |
084 | |a KX 4990 |0 (DE-625)88208: |2 rvk | ||
084 | |a 7,41 |2 ssgn | ||
245 | 1 | 0 | |a Anton Ocvirk |b ob stoletnici rojstva |c Tone Smolej i Majda Stanovnik |
264 | 1 | |a Ljubljana |b Nova Revija |c 2007 | |
300 | |a 287 S. |b Ill. | ||
336 | |b txt |2 rdacontent | ||
337 | |b n |2 rdamedia | ||
338 | |b nc |2 rdacarrier | ||
490 | 0 | |a Znameniti Slovenci | |
500 | |a Zsfassung in franz. Sprache | ||
600 | 1 | 4 | |a Ocvirk, Anton |
600 | 1 | 7 | |a Ocvirk, Anton |d 1907-1980 |0 (DE-588)128144076 |2 gnd |9 rswk-swf |
648 | 4 | |a Geschichte 1900-2000 | |
650 | 4 | |a Geschichte | |
650 | 4 | |a Literatur | |
650 | 4 | |a Comparative literature | |
650 | 4 | |a Criticism |z Slovenia |x History |y 20th century | |
650 | 4 | |a Literature |x History and criticism |x Theory, etc | |
689 | 0 | 0 | |a Ocvirk, Anton |d 1907-1980 |0 (DE-588)128144076 |D p |
689 | 0 | |5 DE-604 | |
700 | 1 | |a Smolej, Tone |d 1972- |e Sonstige |0 (DE-588)1058747738 |4 oth | |
700 | 1 | |a Stanovnik, Majda |d 1934- |e Sonstige |0 (DE-588)140515623 |4 oth | |
856 | 4 | 2 | |m Digitalisierung BSBMuenchen |q application/pdf |u http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000003&line_number=0001&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA |3 Inhaltsverzeichnis |
856 | 4 | 2 | |m Digitalisierung BSB Muenchen |q application/pdf |u http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000004&line_number=0002&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA |3 Abstract |
940 | 1 | |n oe | |
999 | |a oai:aleph.bib-bvb.de:BVB01-016485155 | ||
942 | 1 | 1 | |c 929 |e 22/bsb |f 0904 |g 4973 |
942 | 1 | 1 | |c 809 |e 22/bsb |g 4973 |
Datensatz im Suchindex
_version_ | 1804137628924116992 |
---|---|
adam_text | Kázalo
Uvod
7
Tone
Smolej:
Mladostna in
dunajská leta,
І907—
1928 11
Ljubljanska studijska
in kritiska leta, 1928-1931
23
Izpopolnjevanje v
Parizu
in
doktorat, 1931-1933
37
Urednik Ljubljanskega zvona, 1933-1935
57
Teorija primerjalne literarne zgodovine,
1936 73
Usodna leta,
193 5-19 50 87
Majda
Stanovnik:
Predstojnik komparativistike, 1949-1971
103
Urednik zbirke Zbrana
dela
slovenskih pesnikov
in pisateljey,
1946-1980,
in Kosovelovih
integrálov
26,1967 121
Urednik Slavistične revije, 1948-1963
145
Urednik Sto
románov
in
avtor Evropskega romana, 1964-1977
157
Kritiški nazori
in
zbornik Josip Vidmar,
1975 177
Sinteze: Literarni leksikon
in
Literarna umetnina
med zgodovino
in
teorijo, 1978-1980
189
Razlaga slikovnega gradiva
203
Preglednica predavanj
in
seminarskih
vaj prof.
A. Ocvirka
205
Viri in
literatura
211
Bibliografija
219
Résumé
243
Imensko kazalo
265
Ocvirk
in
njegov čas
281
znameniti
slovenei
Anton Ocvirk
1907-1980
Anton Ocvirk est né le
23
mars
1907
dans le petit village de
Zaga
pri Bovcu,
à proximité de l ancienne frontière
séparant l Italie de l Autriche-Hongrie. En raison du front de l Isonzo, il a
passé sa jeunesse dans les camps de réfugiés. Durant la première moitié des
années vingt, sa famille s installa à
Ljubljana
où le jeune Anton fréquenta le
lycée classique, écrivit ses premiers poèmes et fit la connaissance de certains
jeunes poètes (notamment de
Srećko Kosovel).
Après avoir réussi son bac en
l9*7, il passa deux semestres à l Université de Vienne où il suivit des cours
de philosophie, de psychologie et d esthétique, approfondit sa connaissance
de la littérature mondiale et assista à de nombreuses représentations théâtra¬
les. Entre
1928
et
1931,
il étudia à
Ljubljana
l histoire de la littérature slovène
et des autres littératures slaves du sud, la littérature comparée et la théorie
littéraire ainsi que l histoire de la langue slovène, l histoire et l allemand.
Durant ses études, il écrivit également de nombreux poèmes de formes clas¬
siques (sonnets, tercets, stances) ainsi que des critiques de théâtre qui, par
leur sévérité, provoquèrent la colère du directeur du Théâtre National. Excel¬
lent étudiant, il passa en
1930
sa maîtrise de littérature comparée. En effet,
bien qu il n y eût aucun professeur habilité pour ce domaine, il était possible
de suivre cette filière à
Ljubljana
depuis
1925.
Dans son mémoire de maîtri¬
se intitulé Introduction à la littérature comparée, Anton Ocvirk insiste tout
particulièrement sur l importance des comparaisons en négligeant le rôle des
243
Resumé
influences. En 1931, il passa sa maîtrise de littérature slovène en soutenant
deux mémoires consacrés respectivement à
Fran Levstik
et au baron Zois.
* *
En 1931, Anton Ocvirk obtint une bourse du gouvernement français et par¬
tit pour Paris où il étudia durant deux ans
(1931/32,1932/33).
D après son té¬
moignage, il fréquenta alors les cours dispensés à la
Sorbonne
par
Fernand
Baldensperger et Paul Van Tieghem. Comme le montrent ses publications
et sa correspondance ultérieures, Ocvirk a été moins en contact avec les pro¬
fesseurs de la
Sorbonne
qu avec
Paul Hazard,
chargé depuis
1925
de la chaire
d histoire des littératures comparées de l Europe méridionale et de l Améri¬
que latine. Durant le séjour d Ocvirk à Paris,
Hazard
enseignait les grands
courants de la pensée européenne à la fin du
XVIIe
siècle et les raisons d or¬
dre intellectuel de la crise intervenue aux
XVIIe
et
XVIII6
siècles. Ces cours
constituaient la matière brute de La crise de h conscience européenne, ouvrage
de
Hazard
paru en slovène dans les années cinquante dans une édition pré¬
cédée d une longue préface d Ocvirk.
Hazard
invita le jeune auditeur slovène chez lui, rue du Bac. Ocvirk effectua
alors une interview du professeur français qui parut en
1933
dans ses
Razgo¬
vori
(Conversations), avec les interviews des hommes de lettres émigrés rus¬
ses, d André Maurois, Georges Duhamel et André Gide.
Hazard
parla alors
à Ocvirk également de la littérature comparée qui, selon lui, étudiait les re¬
lations entre les différentes littératures et le rôle des grandes idées européen¬
nes dans la formation de chaque littérature. Le jeune Ocvirk semble avoir
fait une excellente impression au professeur puisque ce dernier lui proposa
bientôt de donner un cours au Collège de France. En accord avec la matière
traitée par
Hazard
à cette époque, Ocvirk choisit un sujet ambitieux
:
de
«
La pensée européenne des
XVIe, XVIIe
et XVIIP siècles et la littérature
slovène
».
Ainsi, le
13
mars
1933,
Ocvirk dispensa un cours sur les courants
européens (protestantisme, jansénisme, grands penseurs français du XVIIP
siècle) ayant influencé la littérature de son pays. Comme il le souligne en
conclusion, l influence de ces mouvements a permis la formation des pre¬
miers fondements de la littérature slovène.
Hazard,
qui réserva à ce cours un accueil favorable, était convaincu que la
littérature comparée devrait à l avenir étudier également les littératures des
«
petits
»
peuples
;
il mit bientôt cette idée en pratique lorsqu il codirigea
la Revue de littérature comparée. En effet, en
1934,
Baldensperger et lui-même
consacrèrent à l Europe centrale un numéro entier de la revue. À cette occa¬
sion,
Hazard
invita Ocvirk à publier son cours qui parut ainsi sous le titre
«
La pensée européenne du
XVIe
au XVIIP siècle et la littérature slovène
».
244
znameniti
slovend
Le séjour en France encouragea Ocvirk à se consacrer à la littérature com¬
parée de manière plus approfondie, plus particulièrement à étudier les
grands courants européens sans toutefois négliger les petites littératures. Paul
Hazard,
qui resta en contact avec son jeune collègue slovène, joua un rôle
déterminant dans la réorientation d Ocvirk.
* * *
De retour à
Ljubljana,
Ocvirk soutint en
1933
sa thèse de doctorat consacrée
au portrait spirituel de
Fran Levstik.
En tant que recherche interdisciplinaire
analysant les facteurs ayant influencé l œuvre littéraire et critique de l écri¬
vain, ce doctorat suscita la polémique auprès des slavistes conservateurs. Le
jeune docteur assuma ensuite pendant un an la direction de la revue littéraire
Ljubljanski zvon
(La Cloche de
Ljubljana)
qui, grâce à lui et à ses nombreux
collaborateurs de qualité (notamment
O. Zupančič
et S. Grum), retrouva sa
place de revue littéraire slovène de premier rang. L année suivante, il retour¬
na à Paris, puis se rendit à Londres à la recherche des documents nécessaires
à sa thèse d habilitation, Théorie de l histoire littéraire comparée
(Teorija
pri-
merjalne literarne zgodovine,
1936),
considérée comme la troisième monogra¬
phie consacrée à la littérature comparée parue dans le monde. Étant donné
le bagage intellectuel d Ocvirk, la comparaison de cet ouvrage avec certains
écrits théoriques français de la même époque, en particulier avec La littéra¬
ture comparée (1931) de Paul Van Tieghem, paraît nécessaire.
Tout d abord, il faut souligner le regard critique d Ocvirk à l égard de la dis¬
tinction que Van Tieghem établit entre la littérature générale et la littérature
comparée. En effet, dans certains de ses écrits, en particulier dans sa mono¬
graphie, le
comparatiste
français définit l histoire générale de la littérature
comme
«
un ordre de recherches qui porte sur les faits communs à plusieurs
littératures considérés comme tels, soit dans leurs dépendances réciproques,
soit dans leur coïncidence
».
En même temps, il introduit le concept d his¬
toire littéraire internationale. Tandis que, par exemple, le chercheur en litté¬
rature nationale devrait s intéresser surtout à la place de la Nouvelle Héloïse
dans le roman français, le chercheur en littérature internationale devrait, de
son côté, étudier soit l influence de
Richardson
sur Rousseau romancier (lit¬
térature comparée) soit le roman sentimental en Europe sous l influence de
Richardson
et de Rousseau (littérature générale). Le point de vue d Ocvirk
est qu il est parfaitement inutile de séparer l histoire comparée de la littéra¬
ture et l histoire générale de la littérature, car les deux reposent sur les mê¬
mes fondements intellectuels et théoriques. Ocvirk consacre presque la moi¬
tié de son livre aux relations et aux influences littéraires internationales. En
premier lieu, il analyse
ies
intermédiaires, les éléments porteurs d influences.
245
Resumé
II est intéressant de constater qu il ne se sert pas du terme de mésologie in¬
venté par Van Tieghem. Dans ce chapitre, Ocvirk s attarde surtout sur ce
que le
comparatiste
français aurait appelé
«
les individus appartenant à la
nation réceptrice
».
Certains exemples d intellectuels cosmopolites (Johann
Rudolf
Sinner von Ballaigues, Francesco Algarotti)
sont probablement re¬
pris d un article connu de
Paul Hazard
(«
Les récents travaux en littératures
comparées
»,
Revue universitaire
23,
1914), très attaché à ce type de recher¬
ches. Il est important pour le développement des études comparatistes slovè-
nes qu Ocvirk ait, à l aide de la mésologie de Van Tieghem, analysé pour la
première fois de ce point de vue les principaux intermédiaires slovènes de la
littérature étrangère
:
le baron
Sigismund
Zois, rationaliste ayant initié les
adeptes des Lumières slovènes à la poétique de Batteux, et le polyglotte Ma-
tija Čop
qui a familiarisé le poète France
Prešeren
avec les formes poétiques
les plus diverses. En dehors de ces personnages dotés d une culture cosmo¬
polite, Ocvirk mentionne d autres poètes et écrivains intermédiaires, cepen¬
dant, contrairement à Van Tieghem, il n établit aucune distinction entre les
intermédiaires du pays émetteur et ceux provenant d un pays tiers. Comme
Van Tieghem, Ocvirk mentionne en tant qu intermédiaires les périodiques
suivant l actualité littéraire à travers le monde. Les deux auteurs analysent le
rôle d intermédiaires assumé par certains cercles et salons, insistant sur l im¬
portance du château de Coppet. Comme Van Tieghem, Ocvirk aborde dans
ce chapitre la question de la traduction qui est, selon lui, le plus puissant
moyen de diffusion et de médiation des œuvres littéraires entre les peuples.
Au sujet de la question de la fidélité des traductions au XVIIP siècle, Ocvirk
évoque comme Van Tieghem la
«
traduction
»
que Le Tourneur a effectuée
des
Night Thoughts
de
Young,
cependant il analyse également avec précision
la version slovène du Figaro de Beaumarchais rédigée par Anton
Tomaž Lin¬
hart,
dramaturge slovène adepte des Lumières.
Pour l étude scientifique des influences littéraires, Ocvirk connaît deux pro¬
cédés méthodologiques distincts
:
la méthode linéaire et la méthode con¬
centrique.
L analyse linéaire des influences consiste à étudier le succès et l influence
d un écrivain ou d une œuvre à l étranger. Comme Van Tieghem, Ocvirk
distingue le succès d un écrivain ou d une œuvre de son influence. Il souli¬
gne que succès et influence peuvent être unis par un rapport de cause à effet,
mais que ce n est pas toujours le cas. Bien qu employant à plusieurs reprise le
couple
«
succès
»
et
«
influence
»
de Van Tieghem, Ocvirk ne mentionne
que rarement le terme générique de
«
fortune
».
Par ailleurs, dans le chapi¬
tre sur l analyse linéaire, Ocvirk dresse la liste de quatre-vingts monographies
et articles qui, selon lui, utilise cette perspective. Il analyse avec une attention
particulière la monographie de Baldensperger intitulée Goethe en France. Il
246
znameniti
slovend
met aussi en avant certains travaux dus aux chercheurs slovènes où est mise
en œuvre cette même méthode. L analyse linéaire comporte aussi l étude des
influences. Ocvirk distingue l influence d un écrivain sur un autre, l influen¬
ce d un écrivain sur un groupe et l influence d un écrivain sur l ensemble
d une culture voisine. Nous trouvons cette classification également chez Van
Tieghem. En effet, l analyse linéaire d Ocvirk correspond à ce que le cher¬
cheur français désignait par
«
doxologie
»,
bien que cette expression n appa¬
raisse pas dans les écrits du
comparatiste slovene.
À côté de l analyse linéaire, Ocvirk présente ce qu il appelle l analyse concen¬
trique des influences où il s intéresse surtout à l intervention attestée d élé¬
ments étrangers dans les œuvres littéraires. Selon Ocvirk, c est dans cette ca¬
tégorie d analyse qu il convient de classer la genèse des œuvres littéraires et
leurs sources étrangères. À ce sujet, il souligne que le
comparatiste
ne doit pas
tant être un critique esthétique qu un historien sensible à la psychologie dont
l objectif est de déterminer, en se fondant sur des documents scientifiques,
les relations causales entre les œuvres. Le
comparatiste slovene
insiste sur la
nécessité de s appuyer sur les faits pour prouver les influences. D autre part,
il souligne qu il ne faut pas concevoir une œuvre littéraire comme
«
une
mosaïque plus ou moins habilement élaborée à partir des éléments étrangers
les plus divers
»,
comme une sorte de catalogue de tout ce qui a influencé
l homme de lettres quand il créait son œuvre. Pour le
comparatiste slovene,
toute œuvre est un organisme spécifique que nous ne pouvons comprendre
qu en l envisageant dans sa totalité. L analyse concentrique sert alors à mon¬
trer comment le créateur a revivifié en lui-même les influences étrangères de
manière créative, comment il les a recréées de manière autonome et remode¬
lées sur le plan artistique. Le
comparatiste
s intéresse au processus de création
de l œuvre, à tout ce qui y a joué un rôle. Tandis qu il est peut-être plus facile
de détecter les sources étrangères chez les auteurs plus contemporains, cette
tâche est particulièrement difficile quand il s agit des plus anciens. Ocvirk
découvre l analyse concentrique dans certaines chapitres de Don Quichotte
de Cervantes de Paul
Hazard.
Il accorde une attention particulière à l ouvrage
Oton Joupantchitch. Poète
slovène (1931)
où Lucien Tesnière,
slaviste
et futur
linguiste de renom, décrit les influences des poésies française et allemande
sur le poète slovène. En dehors de la genèse des œuvres littéraires et des sour¬
ces, l analyse concentrique devrait aussi chercher à déterminer les influences
sur la personnalité de l écrivain dans son ensemble. Ici, Ocvirk s intéresse
surtout à l horizon littéraire, la culture générale et la connaissance des litté¬
ratures étrangères. À ce sujet, il mentionne tout spécialement l ouvrage de
Baldensperger intitulé Orientations étrangères chez Honoré de Balzac
(1927).
Ocvirk s intéresse également à la formation des mouvements et courants lit¬
téraires à partir de sources étrangères. De même que l analyse linéaire, l ana¬
lyse concentrique a son origine chez Van Tieghem. Dans son ouvrage, le
47
Resumé
comparatiste
français introduit le concept de
crenologie,
branche étudiant
les sources littéraires. Cependant, il faut reconnaître qu Ocvirk approfondit
davantage cette question.
Ocvirk distinguait les influences des idées, les influences thématiques, for¬
melles et stylistiques. Si nous comparons la classification proposée par Ocvirk
avec celle de Van Tieghem, nous constatons que le
comparatiste
français di¬
stingue également l influence des personnalités et celle du cadre. Parmi les
influences des idées, Ocvirk différencie les idées religieuses, philosophiques,
scientifiques et esthétiques. Van Tieghem, qui ne mentionne pas les idées
scientifiques, signale, en revanche, l existence des idées morales. Les similitu¬
des entre les deux comparatistes résident également dans les réflexions qu ils
proposent concernant les convictions religieuses propres à chaque écrivain
(Pascal, Fénelon, Voltaire, Rousseau). Mentionnons au passage la définition
pittoresque et dramatique qu Ocvirk propose de l influence
: «
L influence
d un peuple sur un autre se réalise parfois à la suite d un processus psycho¬
logique assez complexe, mais d une extrême importance pour le
comparati¬
ste,
que nous pouvons comparer à une sorte de lutte pour la vie entre deux
organismes qui cherchent à se dominer l un l autre tout en conservant leur
essence propre
».
Nous savons que les comparatistes français de cette époque n étaient pas fa¬
vorables aux comparaisons.
Hazard
les taxait de
«
jeu délicat de lettrés
»,
tandis que Van Tieghem le considérait comme un
«
excercice fort intéres¬
sant
»
mais n ayant aucune valeur historique.
Dans son ouvrage, Anton Ocvirk traite de problèmes similaires. Il appelle la
comparaison littéraire, qui étudie les similitudes (analogies) et les différen¬
ces (antithèses), l étude des parallélismes analogiques et antithétiques. Son
objectif est de ne mettre à jour que les éléments rapprochant ou éloignant
les œuvres les unes des autres. À cette époque, les études de ce type réalisées
par
Janko
Lavrin
(1887—1986),
professeur de littérature russe à l Université
de
Nottingham
entre
192.3
et
1953,
étaient très connues en Slovénie. Le cher¬
cheur comparait, entre autre, Tchékhov et
Maupassant,
écrivains qui étaient,
selon lui, deux chroniqueurs et victimes de leur époque, deux idéalistes bles¬
sés.
Maupassant
était plus graphique et Tchékhov plus musical. À ce sujet,
Ocvirk souligne également que les comparaisons de ce type peuvent être in¬
téressantes, parfois même très spirituelles, mais que, dans la plupart des cas,
elles ne sont pas scientifiquement fondées. En effet, en opérant à une mise
en parallèle analogique et antithétique, le chercheur arrache l écrivain à son
époque et à son milieu
;
dès lors, la comparaison devient une fin en soi.
Ocvirk insiste sur le fait qu il serait erroné d attendre de la littérature compa¬
rée uniquement des comparaisons alors que son objectif est essentiellement
historique.
248
znameniti
slovend
Ocvirk
inclut aussi la thématologie dans sa théorie de la littérature compa¬
rée. Tout d abord, il souligne que certains chercheurs ont tenté de dévaloriser
complètement cette branche en l envisageant d un point de vue strictement
historique. Ici, il fait allusion tout particulièrement à Paul
Hazard
qui, dans
son article de 1914, s est prononcé sur l intérêt de ces études en des termes
clairement ironiques. Même Paul Van Tieghem, inventeur du nom français
de
«
thématologie
»,
se montre dans son ouvrage très sceptique à l égard
des études existantes. Tout en affirmant qu il est trop partial de nier la légiti¬
mité des études thématologiques de la littérature, Ocvirk se montre critique
envers le germaniste de Francfort
Eberhard Sauer
qui propose de séparer la
thématologie
(Stoff- und Motivgeschichte) de
l histoire littéraire comparée.
Selon lui, il est préférable d effectuer ce type d études uniquement à l inté¬
rieur de la littérature allemande pour éviter de se trouver confronté à une
quantité illimitée de matériau de recherche. L opinion d Ocvirk est que les
principaux thèmes sont internationaux et, de ce fait, ne peuvent être étu¬
diés uniquement dans une littérature isolée. Il ajoute que la thématologie
s est adonnée à la constitution mécanique de catalogues de données sans
toutefois chercher à formuler de conclusions synthétiques approfondies. Il
est également intéressant de comparer le classement en groupes que Van
Tieghem et Ocvirk proposent des thèmes étudiés par la thématologie. Van
Tieghem distingue trois groupes
: (1)
situations et thèmes traditionnels,
(2)
types littéraires, réels ou imaginaires,
(3)
légendes et personnes légendaires.
La catégorie des situations et thèmes traditionnels concerne certains motifs
proches du folklore (le retour du mari tenu pour mort
;
le mariage d une
jeune fille avec le meurtrier de son père). Van Tieghem inclut également
dans ce groupe l étude des différents lieux, plantes, animaux et objets. Les
types littéraires réels sont constitués des différents peuples et métiers, tan¬
dis que les types imaginaires incluent le Diable et le Vampire. Le groupe
le plus riche est celui des légendes et personnages légendaires comprenant
trois sous-groupes
:
les thèmes bibliques, grecs et historiques. Considérant
la classification de Van Tieghem comme incomplète et inadéquate, Ocvirk
propose de répartir les thèmes en cinq groupes. Dans le premier, il inclut
les thèmes mythologiques, légendaires et féeriques subdivisés en trois grou¬
pes
:
les groupes oriental, antique et européen. En raison de leur nombre,
les thèmes religieux (apparentés au christianisme biblique, à l hagiographie
ou aux autres religions) forment un groupe à part. Le troisième groupe com¬
prend les thèmes historiques. Les thèmes sociaux incluent la représentation
en littérature des différentes classes sociales et professions. Quant au dernier
groupe, il réunit les thèmes relatifs à la nature, les thèmes régionaux et la
représentation des objets. Bien qu étant assez liée à celle de Van Tieghem,
la classification d Ocvirk est sans doute plus claire. Van Tieghem considère
les thèmes historiques, indépendants chez le
comparatiste slovene,
comme
249
Resumé
un sous-groupe des légendes et classe les thèmes régionaux parmi les thèmes
traditionnels. Quant à la représentation des villes et pays, elle sera prise en
charge par une branche indépendante de la littérature comparée, l imago-
logie. On remarque également quelques divergences. Contrairement à Van
Tieghem, qui envisage seulement les thèmes bibliques, Ocvirk inclut dans
le groupe des thèmes religieux les religions non européennes. Dans son cha¬
pitre consacré à la thématologie, Ocvirk s appuie moins sur les documents
et sources français qu allemands (K.
Heinemann,
F. Gundolf), mentionnés
en notes de bas de page. L influence de Van Tieghem réside peut-être dans
la description de Satan et la position critique envers les études thématologi-
ques de certains objets, très similaires chez les deux comparatistes. Van Tie¬
ghem considère comme moins valables
«
les études consacrées à confronter,
à travers les âges et les littératures, les diverses manières dont ont été traités
certains objets et usages: le jeu d échecs, le vin, le tabac, et même
...
le clys-
tère.
»
Le
comparatiste slovene
se demande à son tour quel intérêt scientifi¬
que revêtent les données visant à déterminer comment les écrivains décrivent
les pierres précieuses, le vin, le tabac, une poupée, le jeu d échecs, une tête de
mort, une cloche, une jambe féminine et le clystère. De même que Van Tie¬
ghem dans le chapitre intitulé
«
Genres et styles
»,
Ocvirk s intéresse aussi
aux genres, formes et styles littéraires. Tandis que Van Tieghem pense que le
livre est comme un homme et qu
«
il faut considérer sa forme avant d exa¬
miner son contenu
»,
Ocvirk souligne que l œuvre d art est un organisme
parfait où fond et forme sont liés par un rapport causal réciproque. Les deux
auteurs mentionnent le cours de
Brunetière
intitulé
«
L évolution des genres
dans l histoire de la littérature
».
Van Tieghem est d avis qu il s agit là d une
«
théorie trop systématique et absolue
»
ayant longtemps freiné l étude des
genres littéraires qui, de ce fait, n est pas à la mode. Ocvirk trouve aussi cette
théorie trop partiale du fait que Brunetière explique l apparition et la dispa¬
rition des genres littéraires d une manière trop mécanique, voire artificielle,
cependant il souligne qu elle a permis la mise à jour de plusieurs faits impor¬
tants, en particulier le rôle en littérature des formes qui naissent, se diffusent
et disparaissent. Autant Ocvirk avait repris le concept de thématologie pro¬
posé par Van Tieghem, autant il ne retient pas la dénomination de
«
généa¬
logie
»
par laquelle le chercheur français désigne la branche de la littérature
comparée qui étudie chaque genre en particulier. Ensuite, les deux auteurs
décrivent brièvement le développement des principaux genres littéraires. La
description proposée par Ocvirk est plus détaillée que celle de son prédéces¬
seur. Nous remarquons aussi certaines similitudes dans la description que les
deux auteurs proposent du style. En effet, Van Tieghem compare les styles
utilisés par les poètes pour exprimer l amour depuis la Renaissance jusqu au
romantisme. Ocvirk souligne également que les poètes de la Renaissance
n expriment pas leurs amours de la même manière que les expressionnistes
250
znameniti
slovend
modernes. En dehors de la stylistique, Ocvirk insiste aussi sur l importance
que revêt l étude des spécificités compositionnelles et architectoniques pro¬
pres à chaque genre littéraire.
La mise en parallèle de L Histoire littéraire comparée d Ocvirk avec La litté¬
rature comparée prouve que l ouvrage français a sans aucun doute servi de
base au livre slovène. Le concept d intermédiaires ainsi que l idée d analyse
linéaire et concentrique des influences, si chers à Ocvirk, ont leur origine
dans les concepts de mésologie, doxologie et
crenologie
proposés par Van
Tieghem. Nous remarquons des similitudes également dans la classification
des influences et des thèmes. Cependant, Ocvirk n a pas conservé la distinc¬
tion opérée par Van Tieghem entre la littérature comparée et la littérature
générale. Pour conclure, il est important de souligner qu Ocvirk a transporté
l école
comparatiste
française dans un nouvel environnement culturel qui,
jusqu alors, ne connaissait pas ses travaux et, de ce fait, ne les utilisait pas.
Le
comparatiste
slovène a traduit, transformé et complété la terminologie
de Van Tieghem, sans négliger d ajouter toujours à la théorie des exemples
slovènes. Il faut donc comprendre l entreprise d Ocvirk comme l une des
premières tentatives (pionnière et particulièrement fructueuse) d introduire
l école française de littérature comparée en Europe centrale, entreprise saluée
avec enthousiasme par Paul
Hazard.
* * *
En
1937,
Ocvirk commença à enseigner à l Université de
Ljubljana,
d abord à
la chaire de philologie slave, puis à la chaire de littérature comparée. À la fin
des années trente, ses cours portaient surtout sur le naturalisme et le symbo¬
lisme. En
1940,
il épousa
Stana Kobal,
une jeune romaniste qui, par la suite,
l aida beaucoup dans ses travaux. Celle-ci donna bientôt naissance à deux en¬
fants
:
une fille,
Mateja,
née en
1942,
et un fils, Tadej, né en
1946.
Les débuts
de la carrière très prometteuse d Anton Ocvirk furent troublés par la seconde
guerre mondiale et l occupation de
Ljubljana
par les Italiens. Originaire de
la région de
Primorska,
Ocvirk rejoignit les mouvements de résistance. Alors
que son professeur de Paris, Paul
Hazard,
analysait pendant la guerre l Eloge
de la folie, Ocvirk enseignait l œuvre de Simon
Gregorčič,
poète patriote de
Primorska.
En
1944,
il fut déporté à
Dachau.
Après la guerre, il revint à l uni¬
versité où il enseigna surtout le réalisme et le romantisme.
Lorsque le Département de littérature mondiale et théorie littéraire fut fon¬
dé en
1950,
Ocvirk proposa un programme ambitieux d histoire de la litté¬
rature mondiale basé surtout sur la méthode
comparatiste.
Ce département
était le premier entièrement consacré à
ľétude
de la littérature. En effet, les
départements d études slaves, germaniques, romanes et classiques, eu égard
251
Resumé
à leur vocation linguistique, liaient l étude des langues à celle des littératu¬
res leur correspondant. Ce n est que progressivement qu ils conférèrent aux
études littéraires le même poids et la même dimension qu aux études linguis¬
tiques. Dans le cadre des études slaves, Anton Ocvirk avait déjà abordé les
études comparées en replaçant le domaine slave dans le contexte européen.
Ainsi, il ne commença pas de zéro lorsqu il mit en place les études compa¬
rées indépendantes, mais élargit et systématisa le répertoire de ses cours. Les
cours magistraux consacrés à la prose, au théâtre et à la poésie à l époque
du réalisme, naturalisme, symbolisme ainsi que de certains courants moder¬
nes du début du
XXe
siècle ont été progressivement complétés par l étude
des périodes antérieures, depuis le passage du Moyen Âge à la Renaissance
jusqu au baroque, au classicisme, au préromantisme et au romantisme. An¬
ton Ocvirk expliquait les événements littéraires en les reliant aux courants
philosophiques et idéologiques qui leur étaient contemporains, mais aussi
avec les dernières découvertes des autres disciplines scientifiques telles que la
psychologie, la psychiatrie et surtout, bien sûr, l histoire générale. Les cours
théoriques sur la versification et le style devinrent, après élargissement, des
cours sur les systèmes métriques, la stylistique et la poétique. Anton Ocvirk
systématisa ces matières et les présenta dans une perspective temporelle, his¬
torique, dévoilant le processus dont les phénomènes découlent. De façon
analogue, à l aide d exemples concrets, ses cours sur la théorie de la création
expliquaient l œuvre littéraire comme un organisme se développant et évo¬
luant à la manière d un être vivant.
Durant la première décennie d après-guerre, Anton Ocvirk dispensa cha¬
que semestre deux cours d histoire, un cours théorique et deux séminaires
destinés à la présentation et à l analyse critique des mémoires de maîtrise et
de séminaire. En rapport avec les cours dispensés, les sujets proposés par le
professeur avaient le plus souvent trait aux œuvres de telle ou telle époque
donnée les plus représentatives de chaque genre littéraire (épopée, nouvelle,
comédie, tragédie, etc.). Celles-ci étaient mises en parallèle avec la poétique
de l époque concernée et les théories contemporaines ayant trait au genre
étudié. Anton Ocvirk avait donc un emploi du temps hebdomadaire de neuf
à dix heures de cours permettant aux étudiants d étudier uniquement la lit¬
térature comparée sans avoir à compléter leur cursus en s inscrivant dans une
filière parallèle.
Les cours d Anton Ocvrik étaient très attrayants, remarquablement bien pré¬
parés et présentés avec tempérament, élargissant l horizon culturel de l audi¬
toire. À l époque où la Yougoslavie s enfonçait dans une certaine fermeture,
voire un réel isolement par rapport à l Europe de l Ouest, ces cours faisaient
découvrir aux étudiants des espaces littéraires qui leur étaient encore incon¬
nus, des approches et relations littéraires nouvelles. Contrairement aux ap-
252.
znameniti
slovend
proches traditionnelles, doctrinaires et trop centrées sur l actualité, ils ap¬
profondissaient la compréhension de la littérature en prenant en compte
de manière non hiérarchique les normes, poétiques et canons littéraires dif¬
férents, parfois même opposés, conditionnés du point de vue spatio-tem¬
porel et culturel. En dépit des obstacles, Anton Ocvirk réussit à introduire
progressivement la théorie littéraire, mal considérée en Union soviétique et,
de ce fait, également en Yougoslavie durant quelque temps. Il faut probable¬
ment attribuer ce succès au fait que le
comparatiste slovene
réfutait explici¬
tement la théorie littéraire en tant qu abstraction pure et considérait que cel¬
le-ci devait être étudiée dans sa progression, dans son contexte historique et
culturel. Ainsi conçues, les études de littérature comparée étaient attrayantes
pour les étudiants doués de créativité. Certains, pour la plupart avant même
d avoir fini leurs études, ont apporté leur contribution à la culture slovène
en tant que poètes, critiques, directeurs de publications, directeurs de biblio¬
thèques et spécialistes de domaines jusqu alors peu développés, notamment
les littératures sanscrite et de jeunesse, ou de disciplines nouvelles comme la
communication et la théorie des nouveaux médias.
Mais Anton Ocvirk ne s est pas contenté de marquer la vie culturelle slo¬
vène de son époque de façon indirecte, par l intermédiaire de son travail
pédagogique à l université. Il y a également participé directement par ses
publications et ses projets destinés au grand public et non uniquement aux
cercles académiques. Depuis
1945
jusqu à sa mort au début de l année
1980,
il dirigea la publication d une grande collection, les
«
Œuvres complètes des
poètes et écrivains slovènes
»,
proposant les éditions critiques des classiques
de la littérature slovène. En outre, entre
1948
et
1963,
il rut le directeur de
Slavistična revija
(Revue des études shves), revue spécialisée d histoire littéraire
et de linguistique. En
1949,
il enseigna le théâtre européen dans le cadre de
la littérature européenne aux membres du Théâtre municipal de
Ljubljana
qui avaient décidé de consacrer à leur formation l année précédant leur pre¬
mière saison d activité. Entre
1945
et
1947,
il occupa la fonction de directeur
de l Association slovène des études slaves. En 1947-1948 et i954-i955>
ü
fi
également vice-doyen de la Faculté des lettres de
Ljubljana
avant d en deve¬
nir le doyen en
1955-1956
et 1956-1957.
Au printemps
1957,
après une période de travail très soutenu, Anton Ocvirk
fut de nouveau frappé par le destin et contraint de stopper ses activités pen¬
dant un an. Contrairement à ce qui s était produit après la guerre, où il
s était tout de suite remis au travail malgré la fatigue, il ne se remit jamais
vraiment physiquement de l hémorragie cérébrale subie cette année-là. Son
cœur en fut affaibli et il fut à nouveau frappé d une attaque quelques an¬
nées plus tard. Dès la première attaque, il resta durablement atteint sur le
plan moteur, incapable de faire plus de quelques pas en s appuyant sur
—
253
une
Resumé
canne. Avec une infinie volonté, et en dépit d interruptions occasionnelles, il
poursuivit les travaux en cours sans réduire leur ampleur, mais à un rythme
moins soutenu et sans avoir la possibilité, comme avant la guerre, de se ren¬
dre à l étranger pour rencontrer les grands comparatistes européens. C est à
cette époque que se forma un successeur particulièrement marquant,
Dušan
Pirjevec, qui, alors qu il n était encore que son assistant, l aida à surmon¬
ter la crise. Une fois habilité, ce jeune
comparatiste
enseigna comme pro¬
fesseur aux côtés d Ocvirk, ouvrant aux nouvelles générations d étudiants
des perspectives d étude de la littérature différentes. Après lui, quatre ensei¬
gnants vinrent renforcer le département de littérature comparée. De même
que
Dušan
Pirjevec, ces derniers collaborèrent aux autres projets collectifs
dirigés par Anton Ocvirk.
* * *
Le plus ambitieux de ces projets
-
et celui qui perdurera le plus longtemps
—
fut la direction de l éminente collection intitulée
«
Les œuvres complètes
des poètes et écrivains slovènes
» («
Zbrana
dela
slovenskih
pesnikov in
pi¬
satelj
ev
»),
constituée de volumes de facture identique proposant les œuvres
des auteurs classiques de la littérature slovène des
XVIIIe, XIXe
et
XXe
siècles.
Notons que la nécessité de concevoir des éditions de ce type
-
inexistantes
jusqu alors
-
avait déjà été formulées par
Ivan Prijatelj,
le professeur d An¬
ton Ocvirk, dans les œuvres complètes de plusieurs prosateurs slovènes du
XIXe
siècle qu il s était chargé d élaborer. Cependant, son idée s était avérée
irréalisable durant l entre-deux-guerres. Après la seconde guerre mondiale,
les éditions
Državna založba Slovenije,
établissement nouvellement fondé,
inclut ce projet dans son programme d activités, décidant qu Anton Ocvirk,
élève et successeur d Ivan
Prijatelj,
en serait le directeur. En effet, ce dernier
avait déjà fait ses preuves en tant que directeur de publication en élaborant
les Actes Levstik
(1933)
et la revue
Ljubljanski zvon
(1934)
ainsi que lors de la
mise en forme de la longue monographie posthume d Ivan
Prijatelj
conser¬
vée à l état de manuscrit, Histoire culturelle et politique des Slovènes
1848-18%
{Kulturna
in
politična
zgodovina Slovencev
1848-189$ ;
I-V,
1938-40).
Com¬
me l idée d une présentation collective de la littérature slovène conçue sur le
modèle des éditions existant dans les autres littératures d Europe occiden¬
tale et centrale ne lui était pas étrangère, il élabora rapidement de nouveaux
cadres qui, adaptés aux circonstances et à la situation des études comparées
slovènes, s avérèrent bientôt réalisables et viables à long terme. En effet, en
dépit de diverses difficultés et retards, la collection non seulement survé¬
cut au décès d Anton Ocvirk en
1980,
mais continue aujourd hui encore,
sous l égide d un nouveau directeur, l académicien et ancien collaborateur
254
znameniti
slovenei
ďOcvirk France Bernik,
à se développer selon les principes de départ et com¬
porte aujourd hui plus de
200
volumes.
L éditeur souhaitait obtenir un panorama représentatif des auteurs slovènes
classiques, à la fois
elitiste et
accessible à tous. Ces exigences paradoxales
conféraient à la collection un caractère hybride qui s estompa peu à peu au
profit d un concept scientifique et critique. En tant que directeur de collec¬
tion, Ocvirk insista pour que soient commentés de manière approfondie les
textes que certains auteurs, notamment dans les premiers temps, avaient mo¬
dernisés sur le plan orthographique et lexical de façon à le rendre plus acces¬
sible au lecteur contemporain alors que les spécialistes, eux, auraient davan¬
tage apprécié la publication de textes originaux non corrigés.
Au départ, le choix des auteurs inclus dans la collection, de même que l or¬
dre de parution des volumes, ne furent probablement fixés qu en partie et
restèrent donc ouverts. En effet, Anton Ocvirk ne voulait pas opter pour
le principe chronologique selon lequel la collection aurait en premier lieu
proposé aux lecteurs les œuvres des
«
classiques
»
les plus anciens. Cette
organisation qui, du moins à première vue, pouvait paraître plus claire et
systématique, aurait été sans aucun doute difficilement réalisable et proba¬
blement aussi moins attrayante. En effet, l édition d oeuvres plus anciennes
est précisément en bien des points plus exigeante que celle des œuvres plus
récentes et nécessite la participation de spécialistes des périodes les plus éloi¬
gnées dans le temps, beaucoup moins nombreux que ceux travaillant sur les
périodes postérieures
;
par ailleurs, de façon générale, les lecteurs s intéres¬
sent davantage aux auteurs plus récents. Anton Ocvirk décida donc, en fonc¬
tion des spécialistes pouvant prendre en charge la rédaction et l annotation
des œuvres de tel ou tel auteur, de commencer à éditer simultanément les
premiers volumes concernant plusieurs poètes et écrivains d époques diffé¬
rentes. Ceux-ci étaient censés apparaître sous un jour nouveau grâce à la pu¬
blication d œuvres encore inédites et d un appareil critique accompagnant le
texte. Dans les pages désignées sous la dénomination modeste de
«
Notes
»,
les rédacteurs ne se contentaient pas de commenter les éléments des textes
nécessitant d être expliqués, mais décrivaient avec précision la genèse et la
réception des œuvres, publiant également les éventuels brouillons, publica¬
tions partielles et variantes.
Il réunit dans son équipe un cercle appréciable de slavistes expérimentés
ayant déjà étudié à fond
«
leurs
»
auteurs. Ceux-ci se mirent à travailler pa¬
rallèlement, mais en suivant une méthode commune à tous. Anton Ocvirk
préféra au strict ordre chronologique de parution d œuvres bien souvent hé¬
térogènes le principe plus clair de mise en relation des œuvres en fonction
des genres littéraires dont elles relèvent au sein de catégories organisées selon
l ordre chronologique. Ainsi, les rédacteurs commençaient par les œuvres
255
Resumé
poétiques (depuis les plus précoces jusqu aux dernières), puis présentaient de
la même manière le théâtre et la prose, cette dernière étant, selon les auteurs,
subdivisée en regroupements de nouvellettes, nouvelles, récits et romans,
auxquels s ajoutaient tous les autres genres (récits de voyage, essais, articles,
discours, journaux,
...)·
Dans les derniers volumes, à la suite des œuvres à
proprement parler, les rédacteurs proposaient aux lecteurs la correspondance
dont ils disposaient, de sorte que l œuvre de chaque poète ou écrivain était
présentée dans son intégralité.
Le projet ainsi conçu, avec des collaborateurs peu nombreux mais compé¬
tents et motivés, fut rapidement mis en place
:
dès
1946
virent le jour les
quatre premiers volumes d une collection qui, en
1980,
en comprenait déjà
plus de
100.
La première génération de collaborateurs, constituée de spécia¬
listes soit plus âgés et conservateurs que le directeur de la collection, soit du
même âge que lui mais parfois en désaccord avec ses idées, céda le pas à une
nouvelle génération, plus jeune et mieux adaptée. Bien que ce type de travail
ingrat, jugé peu créatif, suscitât de moins en moins de vocations et que l édi¬
teur dût progressivement réduire le tirage des volumes (en raison de l impo¬
pularité croissante des projets nationaux au sein de la Yougoslavie
federative),
Anton Ocvirk parvint, en choisissant judicieusement ses collaborateurs et en
assurant une bonne coordination entre eux, à garder un rythme de travail
progressivement moins soutenu, certes, mais régulier. Ainsi, jusqu à la fin des
années cinquante, la collection s enrichit de quatre volumes en moyenne par
an, puis de trois par an durant les années soixante et soixante-dix.
Anton Ocvirk suivait de près la préparation des volumes, relisant jusqu aux
épreuves précédant la sortie de chacun d entre eux. Pourtant, il ne fut pas
mentionné comme directeur de la collection
;
il faudra attendre son suc¬
cesseur, France Bernik, pour que cette donnée figure dans les livres. De ce
point de vue, eu égard à leur ampleur, les œuvres complètes d Ivan Cankar
font figure d exception
:
contrairement aux autres volumes de la collection,
toujours préparés par un seul rédacteur, et contrairement aussi à la première
édition des œuvres de l écrivain en vingt tomes préparée avant la guerre par
Izidor
Cankar, la nouvelle édition en trente volumes
-
intégralement pu¬
bliée entre
1967
et
1976 -
fut préparée par cinq rédacteurs différents d après
le plan de travail proposé par un directeur unique, Anton Ocvirk, men¬
tionné cette fois-ci comme rédacteur en chef du projet. Celui-ci écrivit pour
le premier volume
(1967)
une contribution expliquant les principes appli¬
qués pour l élaboration des trente volumes et, pour les volumes
6
et
7 (1967,
1970),
deux longues études ayant trait à l évolution du style de Cankar dans
ses premières œuvres en prose.
Les études de ce type n étaient pas systématiquement incluses dans l appareil
critique commun aux volumes de la collection. En réalité, nous pouvons les
256
znameniti
slovend
interpréter comme les vestiges de la partie non réalisée du projet élaboré ini¬
tialement par Ocvirk qui prévoyait l élaboration par les différents rédacteurs
d une monographie ayant trait à chaque auteur, imprimée dans le dernier vo¬
lume des œuvres complètes. Or, mécontent du résultat obtenu, le directeur
renonça à publier la première monographie rédigée dans cette optique. La
conclusion synthétique des
«
notes
»
documentaires et analytiques fut donc
purement et simplement supprimée de l ensemble du projet qui s en trouva
ainsi considérablement amoindri. Seul France Bernik, le directeur suivant,
parviendra à réaliser cette idée pour les volumes dont il dirigera l élabora¬
tion. Quant à Anton Ocvirk, dans le cadre d une nouvelle collection intitu¬
lée
«
Monographies complétant les œuvres complètes des poètes et écrivains
slovènes
»,
il proposa en
1955,
en guise de compensation, un ouvrage intitulé
Histoire politico-culturelle et littéraire des Slovènes 1848-1895, version revue et
augmentée de la monographie d Ivan
Prijatelj
ayant trait à la seconde moi¬
tié du
XIXe
siècle, de nouveau commentée. Dans les troisième et quatrième
tomes, en dehors des notes historiques, il inclut deux études
: «
Lesjeunes
slovènes et La jeune Europe
» (1958), «
Ivan Prijatelj
et le réalisme slovène
»
(1961).
Dušan Kermauner,
à qui Ocvirk avait laissé le soin d établir les com¬
mentaires politico-historiques, écrivit pour le cinquième volume une mono¬
graphie de
800
pages intitulée
«
La politique slovène entre
1879
et
1895 »
(1966).
Cependant, du fait des circonstances, cette dernière parut sous le ti¬
tre de
«
Notes
»,
sans mention extérieure du nom de l auteur.
Pour cette collection, Anton Ocvirk s occupa lui-même des œuvres complè¬
tes de deux écrivains
:
celles du prosateur réaliste
Janko Kersnik
et du poète
moderniste
Srećko
Kosovel. Classant ce dernier parmi les classiques sans at¬
tendre le délai de rigueur garantissant la
«
distance historique
»,
il publia le
premier tome de ses œuvres complètes dès la première année
(1946).
Il pen¬
sait sans doute que le gros du travail était ainsi terminé, mais, en réalité, il
n en était rien
:
après avoir pendant une vingtaine d années départagé, classé
et évalué les manuscrits du poète confiés par la famille précisément pour les
besoins de l édition, le
comparatiste
finit par préparer la publication de la
poésie d avant-garde de Kosovel jusqu alors inconnue des lecteurs. C est ain¬
si que parut, en
1967,
en dehors du volume édité dans le cadre des
«
Œuvres
complètes
»
et chez un autre éditeur, un choix de poèmes réunis sous le titre
intégrales
26
{Integrali
26).
Il est intéressant de constater que la publication
en slovène fut de deux ans postérieure à la parution de la traduction française
du poète Marc Alyn (Kosovel,
1965).
Après avoir réécrit et refondu le premier
volume
(1964)
et préparé les numéros
2
et
3 (1974= 1977)»
^оп
Ocvirk pré¬
senta enfin l ensemble de l œuvre de Kosovel, s attirant ainsi plus de critiques
que de félicitations. Lors de la parution des Intégrales, les traditionalistes lui
avaient déjà reproché d avoir de son propre chef gâché l image authenti¬
que de Kosovel et les modernistes d avoir, par pur opportunisme, retardé la
2-57
Resumé
publication de ces merveilleuses découvertes. En réalité, la présentation de
l œuvre de Kosovel est le projet auquel Ocvirk consacra le plus d efforts et le
seul qu il mena à terme. En effet, la monographie de
Prijatelj
et les œuvres
complètes de Kersnik ne finirent de paraître qu après sa mort, sous l égide de
deux autres directeurs de publication.
* * *
Anton Ocvirk dirigea
Shvistična revija,
la revue de l Association des slavistes
slovènes destinée à l histoire littéraire et à la linguistique, depuis sa fondation
en
1948
jusqu en
1963,
mais là encore il n est mentionné qu en tant que mem¬
bre du comité de rédaction et non comme directeur. Dans le premier nu¬
méro, il publia une
editorial
énonçant les grandes lignes de son programme
déjà mis en application à cette même époque dans la collection des
«
Œu¬
vres complètes des poètes et écrivains slovènes
».
En effet, le chercheur sou¬
haitait que la slavistique slovène cessât de procéder à une simple collection
de faits pour s orienter désormais vers des études et des monographies ana¬
lytiques et synthétiques de plus grande ampleur
;
par ailleurs, il considérait
que l histoire littéraire devait rester en contact avec les événements culturels
contemporains, s ouvrir à la perspective
comparatiste
et s associer à la théo¬
rie littéraire.
Cependant, Anton Ocvirk ne publia lui-même aucun article dans la revue,
se contentant d y faire paraître trois courtes contributions à caractère occa¬
sionnel. Bien qu il prît soin de maintenir le travail d histoire littéraire à un
niveau acceptable en invitant des comparatistes issus de ses séminaires à pu¬
blier leurs travaux, la revue ne cessait d avoir du retard
:
les quatre numéros
annuels prévus ne parurent jamais et furent remplacés par deux numéros
double, voire, à quelques reprises, un seul numéro quadruple. Quand la re¬
vue eut totalement cessé de paraître pendant plusieurs années, Anton Ocvirk
chargea un plus jeune de reprendre la direction de la publication. Peut-être
ces difficultés liées à la parution irrégulière de la revue expliquent qu il n y
ait pas publié ses travaux les plus ambitieux. L étude intitulée
«
Nouvelle ap¬
proche du style poétique
»,
par exemple, entrait sans contexte dans le cadre
des articles paraissant dans
Shvistična revija.
Pourtant, quand, en raison de
l opposition idéologique à l égard de la théorie littéraire, cette étude ne put
paraître en volume comme prévu, Anton Ocvirk préféra la publier en quatre
fois dans
Naša sodobnost
{Notre présent,
19 51),
revue moins spécialisée mais
dont la parution était plus régulière.
258
znameniti
slovend
* * *
Anton Ocvik ne cessa pourtant pas de s intéresser aux événements littéraires
contemporains, n hésitant pas à intervenir dans plusieurs controverses. En
1952,
lorsque les adversaires de la littérature dite
«
bourgeoise
»
se déclarè¬
rent opposés à Lumière d août de William Faulkner, roman tout juste paru
en traduction slovène et en désaccord manifeste avec la poétique du réalisme
socialiste, le
comparatiste
slovène, ne craignit pas de froisser les dogmatiques
en attirant l attention des lecteurs sur la fonctionnalité des procédés sophis¬
tiqués utilisés par l auteur, comparant ce dernier à Proust et à Joyce, donc
aux plus grands maîtres du roman moderne. En
1956,
il écrivit une critique
négative à l encontre de Voyage au pays de cocagne (Potovanje
v
Koromandi-
jo), pièce d inspiration existentialiste de
Dominik Smole.
Dans cet article, il
s inscrit contre l idéologie pessimiste sous-tendant le courant littéraire fran¬
çais. Cette intervention lui valut d être longtemps en mauvais termes avec la
jeune génération des écrivains modernistes qui l accusa ensuite d avoir vo¬
lontairement laissé dans l ombre l œuvre du poète slovène Kosovel et d être
l un des plus marquants détracteurs de la littérature moderne, au même ti¬
tre que
Josip
Vidmar, le président de l Académie slovène des Sciences et des
Arts.
* *
En
1964,
Anton Ocvirk fut admis à l Académie avec le soutien de
Josip
Vid¬
mar. C est cette même année que parurent les premiers volumes d une nou¬
velle collection appelée
«
Cent romans
» («
Sto románov
»),
préparée pa¬
rallèlement à la collection des
«
Œuvres complètes
»,
mais chez un autre
éditeur. Ce projet, qui complétait le panorama des classiques slovènes en y
ajoutant la traduction slovène de cent romans représentatifs issus de littéra¬
tures mondiales différentes, était sans aucun doute en parfait accord avec les
préoccupations du
comparatiste
slovène. Créée dans ses grandes lignes par
son directeur, le poète
Cene
Vipotnik, la collection
flit
ainsi élaborée par
Anton Ocvirk qui, ici encore, s efforça d allier textes difficiles et textes at¬
trayants pour le lecteur contemporain.
La collection était destinée au grand public, à tous les amateurs de romans.
Notons que ces œuvres étaient souvent connues depuis longtemps des lec¬
teurs qui y avaient eu accès par l intermédiaire de collections plus modestes,
parues à un rythme plus espacé dans le temps. Comme son nom l indiquait,
la collection
«
Cent romans
»
devait comporter cent œuvres qui paraîtraient
en dix ans à raison de dix par an. Les premières années, la publication suivit
le rythme prévu avant d être ralentie en raison du décès brusque de Vipotnik
en
1972
et des nouveaux problèmes de santé d Anton Ocvirk. Cependant,
Resumé
Tone Pavček,
le nouveau directeur de la collection, veilla à ce que le projet
fut mené à son terme, quoique trois ans plus tard que prévu. En outre, dix
ans plus tard, entre
1986
et
1989,
il prit l initiative de réimprimer l ensemble
de la collection considérée comme un grand succès
editorial.
L élément nouveau ayant conféré à la collection sa notoriété auprès des lec¬
teurs était l élaboration d études originales assez longues accompagnant cha¬
que roman, rédigées sous l égide d Ocvirk par de jeunes spécialistes, le plus
souvent des comparatistes ayant suivi son séminaire. Le professeur souhaitait
que chacune de ces études comportât des données historiques exactes tout en
abordant une problématique relative à l œuvre concernée, le tout dans une
langue agréable à lire. Bien que ce travail nécessitât une préparation longue
et approfondie, les études ne retardèrent pas la parution de la collection, dé¬
passant même bien souvent les attentes du directeur.
Les
«
Cent romans
»
datent pour la plupart des
XIXe
et
XXe
siècles. Ce¬
pendant, sont également prises en compte certaines œuvres plus anciennes,
comme les romans grec et latin
(Heliodor,
Pétrone), le roman médiéval japo¬
nais (Murasaki Shikibu), le roman espagnol de la Renaissance (Cervantes),
le roman français classique (La Fayette, Voltaire), le roman des Lumières et
sentimental anglais (Swift, Sterne), le roman baroque allemand (Grimmels-
hausen). Parmi les littératures nationales sont le plus représentées les cinq
«
grandes
»
littératures occidentales
:
les littératures française
(22
romans),
russe
(18),
anglaise
(16),
américaine
(12)
et allemande
(11),
auxquelles s ajou¬
tent trois
«
plus petites
»,
les littératures italienne
(3),
polonaise
(2)
et serbe
(2).
Les quatorze romans restants se répartissent entre onze autres littératu¬
res européennes (un roman de chaque) et trois littératures non européen¬
nes
:
les littératures du Bengale, guatémalienne et japonaise. Parmi les œu¬
vres concernées, beaucoup n avaient jamais encore été traduites en slovène.
À ces nouveautés s ajoutait la réimpression des romans les plus appréciés du
public ou injustement négligés.
La participation personnelle d Anton Ocvirk aux
«
Cent .romans
»
com¬
prend la réimpression de sa traduction d avant-guerre des Caves du Vatican
d André Gide et six études qui seront ensuite réimprimées, classées suivant
l ordre chronologique des œuvres traitées, dans le premier recueil d articles
intitulé Le roman européen
{Evropski
roman,
1977) : «
Goethe et le martyre
de Werther
» (1976), «
Flaubert et Madame Bovary
» (1964), «
L Éduca¬
tion sentimentale ou l homme dans le monde des apparences trompeuses
»
(1968), «
Le Jeune homme de Dostoïevski ou la révélation du chaos
» (1966),
«
André Gide ou Narcisse désenchanté
» (1965), «
Dans le monde de Proust
ou dans le monde des images
»
(1971). Dans la préface, l auteur explique le
projet auquel se rapporte le titre général du recueil,
«
le roman européen
»,
soulignant qu il ne s agit en aucun cas d une histoire ou théorie achevée du
260
znameniti
slovend
genre littéraire, mais d un panorama de la création spirituelle et artistique
européenne des deux derniers siècles basé sur l étude de six œuvres repré¬
sentatives
«
ayant influencé l espace européen par leur sujet et leur structure
artistique
»,
c est-à-dire ayant fait de la littérature européenne une entité
culturelle multinationale. En même temps,
Dušan Pirjevec
réunit à son tour
ses études dans un ouvrage intitulé également Le roman européen
{Evropski
roman,
1979)
publié à titre posthume. En s appuyant sur l analyse de douze
autres romans tout aussi influents que ceux étudiés par Anton Ocvirk, le
chercheur détermine les constantes et modifications ontologiques du roman
européen et montre, en adoptant une autre perspective, les caractéristiques
de son développement. En se faisant l écho de réflexions nouvelles, la collec¬
tion
«
Cent romans
»
souligne avant tout l unité de la culture européenne
où la culture slovène se trouve implicitement incluse.
* * *
En
1975,
alors que les
«
Cent romans
»
n étaient pas encore tous parus,
l académicien Anton Ocvirk dirigea un volume portant le nom de son dé-
dicataire,
Josip
Vidmar, critique littéraire et de théâtre influent, président
du Front de libération pendant la guerre puis de l Académie slovène des
sciences et des arts, qui fêtait alors ses quatre-vingts ans. Ocvirk aurait pu,
à l instar d un grand nombre de collaborateurs politiques et culturels invi¬
tés, écrire pour l occasion un article commémoratif nourri de la matière ri¬
che et diverse dont il disposait. En effet, en dépit des différends intervenus
entre les deux hommes avant la guerre, Vidmar avait, entre autre, collaboré
avec Ocvirk à l élaboration des
«
Œuvres complètes des poètes et écrivains
slovènes
»
ainsi qu aux
«
Cent romans
».
Cependant, le
comparatiste
opta
pour une analyse complexe de l activité centrale de
ľéminent
octogénaire
:
la critique littéraire. L étude intitulée
«
La pensée esthétique de Vidmar et la
littérature
»
est tolérante, en apparence non polémique, même si l auteur ne
cache pas les différences fondamentales caractérisant sa propre conception
de la littérature. En effet, selon Vidmar, l esthétique révèle ce qui est absolu
dans l art, ce qui signifie que ses lois sont éternelles, mais susceptibles d être
appréhendées intuitivement. De son côté, Anton Ocvirk défend la convic¬
tion avérée selon laquelle les normes esthétiques changent, diffèrent suivant
les époques et les espaces culturels tout en étant accessibles à la raison. Ainsi,
au nom des lois du Beau, abstraites, postulées de manière subjective, Vidmar
juge arbitrairement les œuvres littéraires concrètes. Or, Ocvirk, s appuyant
sur les propres commentaires du critique, constate que ce dernier, bien que
se référant à l esthétique, est guidé dans ses évaluations par des critères psy¬
chologiques et cognitifs, et non par des critères esthétiques. Cependant, il
concède que son aîné, par son attachement à la littérature dite
«
élevée
»,
2,61
Resumé
a
introduit de maniere coherente
des critères exigeants et, en rejetant ra¬
dicalement les courants modernes du
XXe
siècle, a poussé les partisans de
ces derniers à exprimer leur point de vue. Dans l article consacré à Vidmar,
Ocvrik ne se contente pas de problématiser la pensée esthétique de l illustre
critique littéraire (devenue de plus en plus le bastion d une tradition profon¬
dément ancrée et en partie aussi soutenue par le régime), caractérisée par un
rejet apodictique de la littérature moderne. Il aborde également la question
bien plus vaste des critères subjectifs rentrant en compte dans l évaluation
des œuvres littéraires, soulignant leur nécessaire adaptation aux affinités et
réflexions personnelles du critique et leur caractère problématique lorsqu ils
sont présentés comme objectifs et universels.
Peu de temps après, dans le premier numéro de Primerjalna
književnost,
première revue slovène consacrée entièrement à la littérature comparée, pu¬
bliée par l Association slovène de littérature comparée fondée en
1973,
An¬
ton Ocvirk publia un nouveau bilan faisant le point sur sa conception de la
littérature comparée et de son objet d étude. Ainsi, l article intitulé L œuvre
poétique et h théorie littéraire
(1978)
remet en cause de manière fracassante les
théories littéraires depuis Aristote jusqu à Guy Michaud et Etienne
Gilson.
En effet, l auteur y explique pourquoi il ne se sent d affinités idéologiques
et méthodologiques ni avec les théoriciens allemands néo-idéalistes, ni avec
les formalistes russes, ni avec les courants phénoménologico-existentialistes
contemporains. Son objectif est de proposer une synthèse cohérente et équi¬
librée, désignée sous le nom de
«
méthode fonctionnelle synthétique
»,
per¬
mettant de déterminer les
«
lois internes
»
de
1 «
organisme poétique
»
ou
du
«
mécanisme poétique
».
Bien qu étant restée sans échos, cette étude est
intéressante dans la mesure où l on y constate qu Anton Ocvirk, depuis la ré¬
daction de son programme paru dans le premier numéro de
Slavistična revija
en
1948,
met désormais l accent sur la théorie littéraire (et non sur l histoire)
tout en continuant à affirmer la nécessité d associer les deux approches.
Anton Ocvirk s occupa de plus en plus de théorie littéraire également à
ľ«
Institut de littérature
»
de l Académie slovène des sciences et des arts, re¬
baptisé sur son initiative
«
Institut de littérature slovène et d études littérai¬
res
».
Dès son élection à l Académie, le
comparatiste
se vit confier par
Josip
Vidmar la fonction d administrateur de cet institut, fonction qu il remplit
jusqu à sa mort. Conformément au programme qu il avait élaboré dès 1951,
alors qu il n était encore que collaborateur extérieur, il ajouta aux projets
d histoire littéraire et bio-bibliographiques en cours un nouveau projet de
théorie littéraire
:
la série de publications regroupées sous le titre commun
262.
znamenití
slovend
ď«
Encyclopédie littéraire
» («
Literárni
leksikon
»)
qui commença à pa¬
raître en
1978.
Premier projet de ce type entièrement original, l élaboration
de ces volumes nécessita des préparatifs bien plus longs que la collection
des
«
Cent romans
».
Dans sa conception première,
ľ«
Encyclopédie
»
de¬
vait être un ouvrage de facture classique, comportant des articles plus ou
moins longs (au nombre d environ
3.000
d après le premier glossaire établi
par Ocvirk) classés par ordre alphabétique. Mais il s avéra qu un tel projet, en
raison du nombre restreint de collaborateurs, durerait trop longtemps, c est
pourquoi
ľ«
Encyclopédie
»
commença finalement à paraître sous la forme
de volumes indépendants comprenant des études plus longues, de véritables
monographies consacrées aux différents articles, c est-à-dire aux concepts et
phénomènes littéraires choisis non pas d après l ordre alphabétique, mais se¬
lon la disponibilité des spécialistes compétents.
Les auteurs des volumes devaient se conformer à un schéma identique déter¬
miné par le directeur de la collection
:
il fallait tout d abord expliquer l ori¬
gine et la signification de la notion, son emploi ultérieur et ses éventuelles
mutations sémantiques (dans la langue d origine, puis dans les autres lan¬
gues) en apportant une attention toute particulière à son entrée dans la lit¬
térature slovène
;
étaient ensuite décrites les caractéristiques du phénomène
recouvert par la notion ainsi que les grandes lignes de sa diffusion depuis la
littérature
«
mère
»
jusqu aux autres et, plus particulièrement, son implan¬
tation, ses manifestations et sa signification dans l espace culturel slovène.
Mais la réalisation d une collection ainsi conçue aurait été sujette à caution si
l Institut n avait pas, les années précédentes, effectué un travail préparatoire
important
:
le relevé de toutes les mentions et études des termes littéraires
ainsi que des écrivains étrangers parues dans les périodiques slovènes entre
1770-1970. Une fois classées pour former le Catalogue des termes littéraires
et le Catalogue des auteurs étrangers, les quelque
400.000
notices rédigées
à la suite de ce travail furent d un secours considérable pour les auteurs des
monographies constituant
ľ«
Encyclopédie littéraire
»,
soulagés de recher¬
ches individuelles fastidieuses. Notons que ces matériaux continuent à être
une source d information importante pour les autres chercheurs et les étu¬
diants en littérature.
Durant les trois premières années, tant qu Anton Ocvirk en fut le directeur,
ľ«
Encyclopédie littéraire
»
parut à raison de cinq volumes par an. Plus tard,
le rythme ralentit et en
2001,
la collection dirigée par
Janko
Kos,
membre
de l Académie et collaborateur permanent d Anton Ocvirk, cessa de paraître
après la sortie du quarante-sixième volume. Le premier directeur y contribua
cinq monographies, dont quatre parues à titre posthume. Il rédigea encore
lui-même le premier volume, La théorie littéraire
(1978),
et reçut les épreuves
du numéro double (nos
9-10)
intitulé Les systèmes métriques européens et le vers
263
Resumé
slovène
(1980)
qu il ne verra pas paraître. Les onzième et seizième volumes,
L œuvre littéraire et les moyens d expression linguistiques (1981) et Limage poéti¬
que
(1982),
furent rédigés sur la base des préparations de cours universitaires.
Le professeur traita donc de quelques concepts et domaines littéraires fon¬
damentaux, suivi par d autres auteurs qui en étudièrent de nombreux autres,
dont certains interdisciplinaires comme La littérature, La littérature popu¬
laire, Le livre, La poésie popuhire, La pièce de théâtre et le théâtre, La théorie
du théâtre, L intertextualité
;
certaines orientations et méthodes des études
littéraires telles que Les typologies littéraires, La sociologie littéraire, Le positi¬
visme, L histoire spirituelle, L herméneutique
;
certaines domaines de la poéti¬
que et de la versification, comme La poétique de l Lnde ancienne, La poétique
structurale, Les modèles métriques de l Inde ancienne, Les formes et modèles mé¬
triques de la poésie grecque, Les modèles métriques médiévaux et en vieux-haut-
allemand, L allitération
;
une série d époques, de mouvements et de courants
littéraires, comme L hellénisme, Les Lumières, Le préromantisme, Le romantis¬
me, L expressionnisme, Le dadaïsme, L imagisme, Le futurisme, Le constructivis¬
me, Le surréalisme, L existentialisme, Le postmodernisme
;
plusieurs genres ou
sous-genres littéraires tels que Les oeuvres de la
«
poésie concrète
»,
Haïku
;
Le roman, Le roman d épouvanté, Le roman sentimental, Le récit
;
La pièce de
théâtre, Le théâtre spirituel, La tragédie
;
Lessai.
L explication des concepts théoriques et des phénomènes dans une perspec¬
tive historique, évolutive, représente la réalisation du programme ambitieux
d Ocvirk
:
la symbiose entre l histoire et la théorie littéraire ou, à l inverse,
de la théorie littéraire et des événements littéraires concrets. Il montra lui-
même à nouveau son attachement à cette mise en relation dans le titre du
recueil d articles le plus important paru après Le Roman européen
:
L Œuvre
d art entre l histoire et la théorie
(1
1978,
II
1979).
Pour le quatrième et der¬
nier recueil dans lequel il regroupa lui-même interviews, articles, polémi¬
ques, critiques de théâtre et autres critiques littéraires, il choisit le titre un
peu suranné de
Miscellanea
(1984).
Comme s il avait pressenti qu il ne verrait
pas paraître ce quatrième recueil, il fit publier sa bibliographie dans le troi¬
sième. Nous y trouvons, mentionnées avec clarté, toutes ses publications.
Aujourd hui, leur liste s est allongée, enrichie par les nombreuses publica¬
tions posthumes.
Le fait que les œuvres aient survécu à leur auteur parle de lui-même. Il est
également significatif que la collection
«
Encyclopédie littéraire
»
ait pu
subsister, tout comme celle des
«
Œuvres complètes des poètes et écrivains
slovènes
»
qui continue à s enrichir non plus sous la direction directe d An¬
ton Ocvirk, mais en accord avec ses principes et conceptions.
Traduit par Florence Gacoin-Marks.
264
|
adam_txt |
Kázalo
Uvod
7
Tone
Smolej:
Mladostna in
dunajská leta,
І907—
1928 11
Ljubljanska studijska
in kritiska leta, 1928-1931
23
Izpopolnjevanje v
Parizu
in
doktorat, 1931-1933
37
Urednik Ljubljanskega zvona, 1933-1935
57
Teorija primerjalne literarne zgodovine,
1936 73
Usodna leta,
193 5-19 50 87
Majda
Stanovnik:
Predstojnik komparativistike, 1949-1971
103
Urednik zbirke Zbrana
dela
slovenskih pesnikov
in pisateljey,
1946-1980,
in Kosovelovih
integrálov
'26,1967 121
Urednik Slavistične revije, 1948-1963
145
Urednik Sto
románov
in
avtor Evropskega romana, 1964-1977
157
Kritiški nazori
in
zbornik Josip Vidmar,
1975 177
Sinteze: Literarni leksikon
in
Literarna umetnina
med zgodovino
in
teorijo, 1978-1980
189
Razlaga slikovnega gradiva
203
Preglednica predavanj
in
seminarskih
vaj prof.
A. Ocvirka
205
Viri in
literatura
211
Bibliografija
219
Résumé
243
Imensko kazalo
265
Ocvirk
in
njegov čas
281
znameniti
slovenei
Anton Ocvirk
1907-1980
Anton Ocvirk est né le
23
mars
1907
dans le petit village de
Zaga
pri Bovcu,
à proximité de l'ancienne frontière
séparant l'Italie de l'Autriche-Hongrie. En raison du front de l'Isonzo, il a
passé sa jeunesse dans les camps de réfugiés. Durant la première moitié des
années vingt, sa famille s'installa à
Ljubljana
où le jeune Anton fréquenta le
lycée classique, écrivit ses premiers poèmes et fit la connaissance de certains
jeunes poètes (notamment de
Srećko Kosovel).
Après avoir réussi son bac en
l9*7, il passa deux semestres à l'Université de Vienne où il suivit des cours
de philosophie, de psychologie et d'esthétique, approfondit sa connaissance
de la littérature mondiale et assista à de nombreuses représentations théâtra¬
les. Entre
1928
et
1931,
il étudia à
Ljubljana
l'histoire de la littérature slovène
et des autres littératures slaves du sud, la littérature comparée et la théorie
littéraire ainsi que l'histoire de la langue slovène, l'histoire et l'allemand.
Durant ses études, il écrivit également de nombreux poèmes de formes clas¬
siques (sonnets, tercets, stances) ainsi que des critiques de théâtre qui, par
leur sévérité, provoquèrent la colère du directeur du Théâtre National. Excel¬
lent étudiant, il passa en
1930
sa maîtrise de littérature comparée. En effet,
bien qu'il n'y eût aucun professeur habilité pour ce domaine, il était possible
de suivre cette filière à
Ljubljana
depuis
1925.
Dans son mémoire de maîtri¬
se intitulé Introduction à la littérature comparée, Anton Ocvirk insiste tout
particulièrement sur l'importance des comparaisons en négligeant le rôle des
243
Resumé
influences. En 1931, il passa sa maîtrise de littérature slovène en soutenant
deux mémoires consacrés respectivement à
Fran Levstik
et au baron Zois.
* *
En 1931, Anton Ocvirk obtint une bourse du gouvernement français et par¬
tit pour Paris où il étudia durant deux ans
(1931/32,1932/33).
D'après son té¬
moignage, il fréquenta alors les cours dispensés à la
Sorbonne
par
Fernand
Baldensperger et Paul Van Tieghem. Comme le montrent ses publications
et sa correspondance ultérieures, Ocvirk a été moins en contact avec les pro¬
fesseurs de la
Sorbonne
qu'avec
Paul Hazard,
chargé depuis
1925
de la chaire
d'histoire des littératures comparées de l'Europe méridionale et de l'Améri¬
que latine. Durant le séjour d'Ocvirk à Paris,
Hazard
enseignait les grands
courants de la pensée européenne à la fin du
XVIIe
siècle et les raisons d'or¬
dre intellectuel de la crise intervenue aux
XVIIe
et
XVIII6
siècles. Ces cours
constituaient la matière brute de La crise de h conscience européenne, ouvrage
de
Hazard
paru en slovène dans les années cinquante dans une édition pré¬
cédée d'une longue préface d'Ocvirk.
Hazard
invita le jeune auditeur slovène chez lui, rue du Bac. Ocvirk effectua
alors une interview du professeur français qui parut en
1933
dans ses
Razgo¬
vori
(Conversations), avec les interviews des hommes de lettres émigrés rus¬
ses, d'André Maurois, Georges Duhamel et André Gide.
Hazard
parla alors
à Ocvirk également de la littérature comparée qui, selon lui, étudiait les re¬
lations entre les différentes littératures et le rôle des grandes idées européen¬
nes dans la formation de chaque littérature. Le jeune Ocvirk semble avoir
fait une excellente impression au professeur puisque ce dernier lui proposa
bientôt de donner un cours au Collège de France. En accord avec la matière
traitée par
Hazard
à cette époque, Ocvirk choisit un sujet ambitieux
:
de
«
La pensée européenne des
XVIe, XVIIe
et XVIIP siècles et la littérature
slovène
».
Ainsi, le
13
mars
1933,
Ocvirk dispensa un cours sur les courants
européens (protestantisme, jansénisme, grands penseurs français du XVIIP
siècle) ayant influencé la littérature de son pays. Comme il le souligne en
conclusion, l'influence de ces mouvements a permis la formation des pre¬
miers fondements de la littérature slovène.
Hazard,
qui réserva à ce cours un accueil favorable, était convaincu que la
littérature comparée devrait à l'avenir étudier également les littératures des
«
petits
»
peuples
;
il mit bientôt cette idée en pratique lorsqu' il codirigea
la Revue de littérature comparée. En effet, en
1934,
Baldensperger et lui-même
consacrèrent à l'Europe centrale un numéro entier de la revue. À cette occa¬
sion,
Hazard
invita Ocvirk à publier son cours qui parut ainsi sous le titre
«
La pensée européenne du
XVIe
au XVIIP siècle et la littérature slovène
».
244
znameniti
slovend
Le séjour en France encouragea Ocvirk à se consacrer à la littérature com¬
parée de manière plus approfondie, plus particulièrement à étudier les
grands courants européens sans toutefois négliger les petites littératures. Paul
Hazard,
qui resta en contact avec son jeune collègue slovène, joua un rôle
déterminant dans la réorientation d'Ocvirk.
* * *
De retour à
Ljubljana,
Ocvirk soutint en
1933
sa thèse de doctorat consacrée
au portrait spirituel de
Fran Levstik.
En tant que recherche interdisciplinaire
analysant les facteurs ayant influencé l'œuvre littéraire et critique de l'écri¬
vain, ce doctorat suscita la polémique auprès des slavistes conservateurs. Le
jeune docteur assuma ensuite pendant un an la direction de la revue littéraire
Ljubljanski zvon
(La Cloche de
Ljubljana)
qui, grâce à lui et à ses nombreux
collaborateurs de qualité (notamment
O. Zupančič
et S. Grum), retrouva sa
place de revue littéraire slovène de premier rang. L'année suivante, il retour¬
na à Paris, puis se rendit à Londres à la recherche des documents nécessaires
à sa thèse d'habilitation, Théorie de l'histoire littéraire comparée
(Teorija
pri-
merjalne literarne zgodovine,
1936),
considérée comme la troisième monogra¬
phie consacrée à la littérature comparée parue dans le monde. Étant donné
le bagage intellectuel d'Ocvirk, la comparaison de cet ouvrage avec certains
écrits théoriques français de la même époque, en particulier avec La littéra¬
ture comparée (1931) de Paul Van Tieghem, paraît nécessaire.
Tout d'abord, il faut souligner le regard critique d'Ocvirk à l'égard de la dis¬
tinction que Van Tieghem établit entre la littérature générale et la littérature
comparée. En effet, dans certains de ses écrits, en particulier dans sa mono¬
graphie, le
comparatiste
français définit l'histoire générale de la littérature
comme
«
un ordre de recherches qui porte sur les faits communs à plusieurs
littératures considérés comme tels, soit dans leurs dépendances réciproques,
soit dans leur coïncidence
».
En même temps, il introduit le concept d'his¬
toire littéraire internationale. Tandis que, par exemple, le chercheur en litté¬
rature nationale devrait s'intéresser surtout à la place de la Nouvelle Héloïse
dans le roman français, le chercheur en littérature internationale devrait, de
son côté, étudier soit l'influence de
Richardson
sur Rousseau romancier (lit¬
térature comparée) soit le roman sentimental en Europe sous l'influence de
Richardson
et de Rousseau (littérature générale). Le point de vue d'Ocvirk
est qu'il est parfaitement inutile de séparer l'histoire comparée de la littéra¬
ture et l'histoire générale de la littérature, car les deux reposent sur les mê¬
mes fondements intellectuels et théoriques. Ocvirk consacre presque la moi¬
tié de son livre aux relations et aux influences littéraires internationales. En
premier lieu, il analyse
ies
intermédiaires, les éléments porteurs d'influences.
245
Resumé
II est intéressant de constater qu'il ne se sert pas du terme de mésologie in¬
venté par Van Tieghem. Dans ce chapitre, Ocvirk s'attarde surtout sur ce
que le
comparatiste
français aurait appelé
«
les individus appartenant à la
nation réceptrice
».
Certains exemples d'intellectuels cosmopolites (Johann
Rudolf
Sinner von Ballaigues, Francesco Algarotti)
sont probablement re¬
pris d'un article connu de
Paul Hazard
(«
Les récents travaux en littératures
comparées
»,
Revue universitaire
23,
1914), très attaché à ce type de recher¬
ches. Il est important pour le développement des études comparatistes slovè-
nes qu'Ocvirk ait, à l'aide de la mésologie de Van Tieghem, analysé pour la
première fois de ce point de vue les principaux intermédiaires slovènes de la
littérature étrangère
:
le baron
Sigismund
Zois, rationaliste ayant initié les
adeptes des Lumières slovènes à la poétique de Batteux, et le polyglotte Ma-
tija Čop
qui a familiarisé le poète France
Prešeren
avec les formes poétiques
les plus diverses. En dehors de ces personnages dotés d'une culture cosmo¬
polite, Ocvirk mentionne d'autres poètes et écrivains intermédiaires, cepen¬
dant, contrairement à Van Tieghem, il n'établit aucune distinction entre les
intermédiaires du pays émetteur et ceux provenant d'un pays tiers. Comme
Van Tieghem, Ocvirk mentionne en tant qu'intermédiaires les périodiques
suivant l'actualité littéraire à travers le monde. Les deux auteurs analysent le
rôle d'intermédiaires assumé par certains cercles et salons, insistant sur l'im¬
portance du château de Coppet. Comme Van Tieghem, Ocvirk aborde dans
ce chapitre la question de la traduction qui est, selon lui, le plus puissant
moyen de diffusion et de médiation des œuvres littéraires entre les peuples.
Au sujet de la question de la fidélité des traductions au XVIIP siècle, Ocvirk
évoque comme Van Tieghem la
«
traduction
»
que Le Tourneur a effectuée
des
Night Thoughts
de
Young,
cependant il analyse également avec précision
la version slovène du Figaro de Beaumarchais rédigée par Anton
Tomaž Lin¬
hart,
dramaturge slovène adepte des Lumières.
Pour l'étude scientifique des influences littéraires, Ocvirk connaît deux pro¬
cédés méthodologiques distincts
:
la méthode linéaire et la méthode con¬
centrique.
L'analyse linéaire des influences consiste à étudier le succès et l'influence
d'un écrivain ou d'une œuvre à l'étranger. Comme Van Tieghem, Ocvirk
distingue le succès d'un écrivain ou d'une œuvre de son influence. Il souli¬
gne que succès et influence peuvent être unis par un rapport de cause à effet,
mais que ce n'est pas toujours le cas. Bien qu'employant à plusieurs reprise le
couple
«
succès
»
et
«
influence
»
de Van Tieghem, Ocvirk ne mentionne
que rarement le terme générique de
«
fortune
».
Par ailleurs, dans le chapi¬
tre sur l'analyse linéaire, Ocvirk dresse la liste de quatre-vingts monographies
et articles qui, selon lui, utilise cette perspective. Il analyse avec une attention
particulière la monographie de Baldensperger intitulée Goethe en France. Il
246
znameniti
slovend
met aussi en avant certains travaux dus aux chercheurs slovènes où est mise
en œuvre cette même méthode. L'analyse linéaire comporte aussi l'étude des
influences. Ocvirk distingue l'influence d'un écrivain sur un autre, l'influen¬
ce d'un écrivain sur un groupe et l'influence d'un écrivain sur l'ensemble
d'une culture voisine. Nous trouvons cette classification également chez Van
Tieghem. En effet, l'analyse linéaire d'Ocvirk correspond à ce que le cher¬
cheur français désignait par
«
doxologie
»,
bien que cette expression n'appa¬
raisse pas dans les écrits du
comparatiste slovene.
À côté de l'analyse linéaire, Ocvirk présente ce qu'il appelle l'analyse concen¬
trique des influences où il s'intéresse surtout à l'intervention attestée d'élé¬
ments étrangers dans les œuvres littéraires. Selon Ocvirk, c'est dans cette ca¬
tégorie d'analyse qu'il convient de classer la genèse des œuvres littéraires et
leurs sources étrangères. À ce sujet, il souligne que le
comparatiste
ne doit pas
tant être un critique esthétique qu'un historien sensible à la psychologie dont
l'objectif est de déterminer, en se fondant sur des documents scientifiques,
les relations causales entre les œuvres. Le
comparatiste slovene
insiste sur la
nécessité de s'appuyer sur les faits pour prouver les influences. D'autre part,
il souligne qu'il ne faut pas concevoir une œuvre littéraire comme
«
une
mosaïque plus ou moins habilement élaborée à partir des éléments étrangers
les plus divers
»,
comme une sorte de catalogue de tout ce qui a influencé
l'homme de lettres quand il créait son œuvre. Pour le
comparatiste slovene,
toute œuvre est un organisme spécifique que nous ne pouvons comprendre
qu'en l'envisageant dans sa totalité. L'analyse concentrique sert alors à mon¬
trer comment le créateur a revivifié en lui-même les influences étrangères de
manière créative, comment il les a recréées de manière autonome et remode¬
lées sur le plan artistique. Le
comparatiste
s'intéresse au processus de création
de l'œuvre, à tout ce qui y a joué un rôle. Tandis qu'il est peut-être plus facile
de détecter les sources étrangères chez les auteurs plus contemporains, cette
tâche est particulièrement difficile quand il s'agit des plus anciens. Ocvirk
découvre l'analyse concentrique dans certaines chapitres de Don Quichotte
de Cervantes de Paul
Hazard.
Il accorde une attention particulière à l'ouvrage
Oton Joupantchitch. Poète
slovène (1931)
où Lucien Tesnière,
slaviste
et futur
linguiste de renom, décrit les influences des poésies française et allemande
sur le poète slovène. En dehors de la genèse des œuvres littéraires et des sour¬
ces, l'analyse concentrique devrait aussi chercher à déterminer les influences
sur la personnalité de l'écrivain dans son ensemble. Ici, Ocvirk s'intéresse
surtout à l'horizon littéraire, la culture générale et la connaissance des litté¬
ratures étrangères. À ce sujet, il mentionne tout spécialement l'ouvrage de
Baldensperger intitulé Orientations étrangères chez Honoré de Balzac
(1927).
Ocvirk s'intéresse également à la formation des mouvements et courants lit¬
téraires à partir de sources étrangères. De même que l'analyse linéaire, l'ana¬
lyse concentrique a son origine chez Van Tieghem. Dans son ouvrage, le
47
Resumé
comparatiste
français introduit le concept de
crenologie,
branche étudiant
les sources littéraires. Cependant, il faut reconnaître qu'Ocvirk approfondit
davantage cette question.
Ocvirk distinguait les influences des idées, les influences thématiques, for¬
melles et stylistiques. Si nous comparons la classification proposée par Ocvirk
avec celle de Van Tieghem, nous constatons que le
comparatiste
français di¬
stingue également l'influence des personnalités et celle du cadre. Parmi les
influences des idées, Ocvirk différencie les idées religieuses, philosophiques,
scientifiques et esthétiques. Van Tieghem, qui ne mentionne pas les idées
scientifiques, signale, en revanche, l'existence des idées morales. Les similitu¬
des entre les deux comparatistes résident également dans les réflexions qu'ils
proposent concernant les convictions religieuses propres à chaque écrivain
(Pascal, Fénelon, Voltaire, Rousseau). Mentionnons au passage la définition
pittoresque et dramatique qu'Ocvirk propose de l'influence
: «
L'influence
d'un peuple sur un autre se réalise parfois à la suite d'un processus psycho¬
logique assez complexe, mais d'une extrême importance pour le
comparati¬
ste,
que nous pouvons comparer à une sorte de lutte pour la vie entre deux
organismes qui cherchent à se dominer l'un l'autre tout en conservant leur
essence propre
».
Nous savons que les comparatistes français de cette époque n'étaient pas fa¬
vorables aux comparaisons.
Hazard
les taxait de
«
jeu délicat de lettrés
»,
tandis que Van Tieghem le considérait comme un
«
excercice fort intéres¬
sant
»
mais n'ayant aucune valeur historique.
Dans son ouvrage, Anton Ocvirk traite de problèmes similaires. Il appelle la
comparaison littéraire, qui étudie les similitudes (analogies) et les différen¬
ces (antithèses), l'étude des parallélismes analogiques et antithétiques. Son
objectif est de ne mettre à jour que les éléments rapprochant ou éloignant
les œuvres les unes des autres. À cette époque, les études de ce type réalisées
par
Janko
Lavrin
(1887—1986),
professeur de littérature russe à l'Université
de
Nottingham
entre
192.3
et
1953,
étaient très connues en Slovénie. Le cher¬
cheur comparait, entre autre, Tchékhov et
Maupassant,
écrivains qui étaient,
selon lui, deux chroniqueurs et victimes de leur époque, deux idéalistes bles¬
sés.
Maupassant
était plus graphique et Tchékhov plus musical. À ce sujet,
Ocvirk souligne également que les comparaisons de ce type peuvent être in¬
téressantes, parfois même très spirituelles, mais que, dans la plupart des cas,
elles ne sont pas scientifiquement fondées. En effet, en opérant à une mise
en parallèle analogique et antithétique, le chercheur arrache l'écrivain à son
époque et à son milieu
;
dès lors, la comparaison devient une fin en soi.
Ocvirk insiste sur le fait qu'il serait erroné d'attendre de la littérature compa¬
rée uniquement des comparaisons alors que son objectif est essentiellement
historique.
248
znameniti
slovend
Ocvirk
inclut aussi la thématologie dans sa théorie de la littérature compa¬
rée. Tout d'abord, il souligne que certains chercheurs ont tenté de dévaloriser
complètement cette branche en l'envisageant d'un point de vue strictement
historique. Ici, il fait allusion tout particulièrement à Paul
Hazard
qui, dans
son article de 1914, s'est prononcé sur l'intérêt de ces études en des termes
clairement ironiques. Même Paul Van Tieghem, inventeur du nom français
de
«
thématologie
»,
se montre dans son ouvrage très sceptique à l'égard
des études existantes. Tout en affirmant qu'il est trop partial de nier la légiti¬
mité des études thématologiques de la littérature, Ocvirk se montre critique
envers le germaniste de Francfort
Eberhard Sauer
qui propose de séparer la
thématologie
(Stoff- und Motivgeschichte) de
l'histoire littéraire comparée.
Selon lui, il est préférable d'effectuer ce type d'études uniquement à l'inté¬
rieur de la littérature allemande pour éviter de se trouver confronté à une
quantité illimitée de matériau de recherche. L'opinion d'Ocvirk est que les
principaux thèmes sont internationaux et, de ce fait, ne peuvent être étu¬
diés uniquement dans une littérature isolée. Il ajoute que la thématologie
s'est adonnée à la constitution mécanique de catalogues de données sans
toutefois chercher à formuler de conclusions synthétiques approfondies. Il
est également intéressant de comparer le classement en groupes que Van
Tieghem et Ocvirk proposent des thèmes étudiés par la thématologie. Van
Tieghem distingue trois groupes
: (1)
situations et thèmes traditionnels,
(2)
types littéraires, réels ou imaginaires,
(3)
légendes et personnes légendaires.
La catégorie des situations et thèmes traditionnels concerne certains motifs
proches du folklore (le retour du mari tenu pour mort
;
le mariage d'une
jeune fille avec le meurtrier de son père). Van Tieghem inclut également
dans ce groupe l'étude des différents lieux, plantes, animaux et objets. Les
types littéraires réels sont constitués des différents peuples et métiers, tan¬
dis que les types imaginaires incluent le Diable et le Vampire. Le groupe
le plus riche est celui des légendes et personnages légendaires comprenant
trois sous-groupes
:
les thèmes bibliques, grecs et historiques. Considérant
la classification de Van Tieghem comme incomplète et inadéquate, Ocvirk
propose de répartir les thèmes en cinq groupes. Dans le premier, il inclut
les thèmes mythologiques, légendaires et féeriques subdivisés en trois grou¬
pes
:
les groupes oriental, antique et européen. En raison de leur nombre,
les thèmes religieux (apparentés au christianisme biblique, à l'hagiographie
ou aux autres religions) forment un groupe à part. Le troisième groupe com¬
prend les thèmes historiques. Les thèmes sociaux incluent la représentation
en littérature des différentes classes sociales et professions. Quant au dernier
groupe, il réunit les thèmes relatifs à la nature, les thèmes régionaux et la
représentation des objets. Bien qu'étant assez liée à celle de Van Tieghem,
la classification d'Ocvirk est sans doute plus claire. Van Tieghem considère
les thèmes historiques, indépendants chez le
comparatiste slovene,
comme
249
Resumé
un sous-groupe des légendes et classe les thèmes régionaux parmi les thèmes
traditionnels. Quant à la représentation des villes et pays, elle sera prise en
charge par une branche indépendante de la littérature comparée, l'imago-
logie. On remarque également quelques divergences. Contrairement à Van
Tieghem, qui envisage seulement les thèmes bibliques, Ocvirk inclut dans
le groupe des thèmes religieux les religions non européennes. Dans son cha¬
pitre consacré à la thématologie, Ocvirk s'appuie moins sur les documents
et sources français qu'allemands (K.
Heinemann,
F. Gundolf), mentionnés
en notes de bas de page. L'influence de Van Tieghem réside peut-être dans
la description de Satan et la position critique envers les études thématologi-
ques de certains objets, très similaires chez les deux comparatistes. Van Tie¬
ghem considère comme moins valables
«
les études consacrées à confronter,
à travers les âges et les littératures, les diverses manières dont ont été traités
certains objets et usages: le jeu d'échecs, le vin, le tabac, et même
.
le clys-
tère.
»
Le
comparatiste slovene
se demande à son tour quel intérêt scientifi¬
que revêtent les données visant à déterminer comment les écrivains décrivent
les pierres précieuses, le vin, le tabac, une poupée, le jeu d'échecs, une tête de
mort, une cloche, une jambe féminine et le clystère. De même que Van Tie¬
ghem dans le chapitre intitulé
«
Genres et styles
»,
Ocvirk s'intéresse aussi
aux genres, formes et styles littéraires. Tandis que Van Tieghem pense que le
livre est comme un homme et qu'
«
il faut considérer sa forme avant d'exa¬
miner son contenu
»,
Ocvirk souligne que l'œuvre d'art est un organisme
parfait où fond et forme sont liés par un rapport causal réciproque. Les deux
auteurs mentionnent le cours de
Brunetière
intitulé
«
L'évolution des genres
dans l'histoire de la littérature
».
Van Tieghem est d'avis qu'il s'agit là d'une
«
théorie trop systématique et absolue
»
ayant longtemps freiné l'étude des
genres littéraires qui, de ce fait, n'est pas à la mode. Ocvirk trouve aussi cette
théorie trop partiale du fait que Brunetière explique l'apparition et la dispa¬
rition des genres littéraires d'une manière trop mécanique, voire artificielle,
cependant il souligne qu'elle a permis la mise à jour de plusieurs faits impor¬
tants, en particulier le rôle en littérature des formes qui naissent, se diffusent
et disparaissent. Autant Ocvirk avait repris le concept de thématologie pro¬
posé par Van Tieghem, autant il ne retient pas la dénomination de
«
généa¬
logie
»
par laquelle le chercheur français désigne la branche de la littérature
comparée qui étudie chaque genre en particulier. Ensuite, les deux auteurs
décrivent brièvement le développement des principaux genres littéraires. La
description proposée par Ocvirk est plus détaillée que celle de son prédéces¬
seur. Nous remarquons aussi certaines similitudes dans la description que les
deux auteurs proposent du style. En effet, Van Tieghem compare les styles
utilisés par les poètes pour exprimer l'amour depuis la Renaissance jusqu'au
romantisme. Ocvirk souligne également que les poètes de la Renaissance
n'expriment pas leurs amours de la même manière que les expressionnistes
250
znameniti
slovend
modernes. En dehors de la stylistique, Ocvirk insiste aussi sur l'importance
que revêt l'étude des spécificités compositionnelles et architectoniques pro¬
pres à chaque genre littéraire.
La mise en parallèle de L'Histoire littéraire comparée d'Ocvirk avec La litté¬
rature comparée prouve que l'ouvrage français a sans aucun doute servi de
base au livre slovène. Le concept d'intermédiaires ainsi que l'idée d'analyse
linéaire et concentrique des influences, si chers à Ocvirk, ont leur origine
dans les concepts de mésologie, doxologie et
crenologie
proposés par Van
Tieghem. Nous remarquons des similitudes également dans la classification
des influences et des thèmes. Cependant, Ocvirk n'a pas conservé la distinc¬
tion opérée par Van Tieghem entre la littérature comparée et la littérature
générale. Pour conclure, il est important de souligner qu'Ocvirk a transporté
l'école
comparatiste
française dans un nouvel environnement culturel qui,
jusqu'alors, ne connaissait pas ses travaux et, de ce fait, ne les utilisait pas.
Le
comparatiste
slovène a traduit, transformé et complété la terminologie
de Van Tieghem, sans négliger d'ajouter toujours à la théorie des exemples
slovènes. Il faut donc comprendre l'entreprise d'Ocvirk comme l'une des
premières tentatives (pionnière et particulièrement fructueuse) d'introduire
l'école française de littérature comparée en Europe centrale, entreprise saluée
avec enthousiasme par Paul
Hazard.
* * *
En
1937,
Ocvirk commença à enseigner à l'Université de
Ljubljana,
d'abord à
la chaire de philologie slave, puis à la chaire de littérature comparée. À la fin
des années trente, ses cours portaient surtout sur le naturalisme et le symbo¬
lisme. En
1940,
il épousa
Stana Kobal,
une jeune romaniste qui, par la suite,
l'aida beaucoup dans ses travaux. Celle-ci donna bientôt naissance à deux en¬
fants
:
une fille,
Mateja,
née en
1942,
et un fils, Tadej, né en
1946.
Les débuts
de la carrière très prometteuse d'Anton Ocvirk furent troublés par la seconde
guerre mondiale et l'occupation de
Ljubljana
par les Italiens. Originaire de
la région de
Primorska,
Ocvirk rejoignit les mouvements de résistance. Alors
que son professeur de Paris, Paul
Hazard,
analysait pendant la guerre l'Eloge
de la folie, Ocvirk enseignait l'œuvre de Simon
Gregorčič,
poète patriote de
Primorska.
En
1944,
il fut déporté à
Dachau.
Après la guerre, il revint à l'uni¬
versité où il enseigna surtout le réalisme et le romantisme.
Lorsque le Département de littérature mondiale et théorie littéraire fut fon¬
dé en
1950,
Ocvirk proposa un programme ambitieux d'histoire de la litté¬
rature mondiale basé surtout sur la méthode
comparatiste.
Ce département
était le premier entièrement consacré à
ľétude
de la littérature. En effet, les
départements d'études slaves, germaniques, romanes et classiques, eu égard
251
Resumé
à leur vocation linguistique, liaient l'étude des langues à celle des littératu¬
res leur correspondant. Ce n'est que progressivement qu'ils conférèrent aux
études littéraires le même poids et la même dimension qu'aux études linguis¬
tiques. Dans le cadre des études slaves, Anton Ocvirk avait déjà abordé les
études comparées en replaçant le domaine slave dans le contexte européen.
Ainsi, il ne commença pas de zéro lorsqu'il mit en place les études compa¬
rées indépendantes, mais élargit et systématisa le répertoire de ses cours. Les
cours magistraux consacrés à la prose, au théâtre et à la poésie à l'époque
du réalisme, naturalisme, symbolisme ainsi que de certains courants moder¬
nes du début du
XXe
siècle ont été progressivement complétés par l'étude
des périodes antérieures, depuis le passage du Moyen Âge à la Renaissance
jusqu'au baroque, au classicisme, au préromantisme et au romantisme. An¬
ton Ocvirk expliquait les événements littéraires en les reliant aux courants
philosophiques et idéologiques qui leur étaient contemporains, mais aussi
avec les dernières découvertes des autres disciplines scientifiques telles que la
psychologie, la psychiatrie et surtout, bien sûr, l'histoire générale. Les cours
théoriques sur la versification et le style devinrent, après élargissement, des
cours sur les systèmes métriques, la stylistique et la poétique. Anton Ocvirk
systématisa ces matières et les présenta dans une perspective temporelle, his¬
torique, dévoilant le processus dont les phénomènes découlent. De façon
analogue, à l'aide d'exemples concrets, ses cours sur la théorie de la création
expliquaient l'œuvre littéraire comme un organisme se développant et évo¬
luant à la manière d'un être vivant.
Durant la première décennie d'après-guerre, Anton Ocvirk dispensa cha¬
que semestre deux cours d'histoire, un cours théorique et deux séminaires
destinés à la présentation et à l'analyse critique des mémoires de maîtrise et
de séminaire. En rapport avec les cours dispensés, les sujets proposés par le
professeur avaient le plus souvent trait aux œuvres de telle ou telle époque
donnée les plus représentatives de chaque genre littéraire (épopée, nouvelle,
comédie, tragédie, etc.). Celles-ci étaient mises en parallèle avec la poétique
de l'époque concernée et les théories contemporaines ayant trait au genre
étudié. Anton Ocvirk avait donc un emploi du temps hebdomadaire de neuf
à dix heures de cours permettant aux étudiants d'étudier uniquement la lit¬
térature comparée sans avoir à compléter leur cursus en s'inscrivant dans une
filière parallèle.
Les cours d'Anton Ocvrik étaient très attrayants, remarquablement bien pré¬
parés et présentés avec tempérament, élargissant l'horizon culturel de l'audi¬
toire. À l'époque où la Yougoslavie s'enfonçait dans une certaine fermeture,
voire un réel isolement par rapport à l'Europe de l'Ouest, ces cours faisaient
découvrir aux étudiants des espaces littéraires qui leur étaient encore incon¬
nus, des approches et relations littéraires nouvelles. Contrairement aux ap-
252.
znameniti
slovend
proches traditionnelles, doctrinaires et trop centrées sur l'actualité, ils ap¬
profondissaient la compréhension de la littérature en prenant en compte
de manière non hiérarchique les normes, poétiques et canons littéraires dif¬
férents, parfois même opposés, conditionnés du point de vue spatio-tem¬
porel et culturel. En dépit des obstacles, Anton Ocvirk réussit à introduire
progressivement la théorie littéraire, mal considérée en Union soviétique et,
de ce fait, également en Yougoslavie durant quelque temps. Il faut probable¬
ment attribuer ce succès au fait que le
comparatiste slovene
réfutait explici¬
tement la théorie littéraire en tant qu'abstraction pure et considérait que cel¬
le-ci devait être étudiée dans sa progression, dans son contexte historique et
culturel. Ainsi conçues, les études de littérature comparée étaient attrayantes
pour les étudiants doués de créativité. Certains, pour la plupart avant même
d'avoir fini leurs études, ont apporté leur contribution à la culture slovène
en tant que poètes, critiques, directeurs de publications, directeurs de biblio¬
thèques et spécialistes de domaines jusqu'alors peu développés, notamment
les littératures sanscrite et de jeunesse, ou de disciplines nouvelles comme la
communication et la théorie des nouveaux médias.
Mais Anton Ocvirk ne s'est pas contenté de marquer la vie culturelle slo¬
vène de son époque de façon indirecte, par l'intermédiaire de son travail
pédagogique à l'université. Il y a également participé directement par ses
publications et ses projets destinés au grand public et non uniquement aux
cercles académiques. Depuis
1945
jusqu'à sa mort au début de l'année
1980,
il dirigea la publication d'une grande collection, les
«
Œuvres complètes des
poètes et écrivains slovènes
»,
proposant les éditions critiques des classiques
de la littérature slovène. En outre, entre
1948
et
1963,
il rut le directeur de
Slavistična revija
(Revue des études shves), revue spécialisée d'histoire littéraire
et de linguistique. En
1949,
il enseigna le théâtre européen dans le cadre de
la littérature européenne aux membres du Théâtre municipal de
Ljubljana
qui avaient décidé de consacrer à leur formation l'année précédant leur pre¬
mière saison d'activité. Entre
1945
et
1947,
il occupa la fonction de directeur
de l'Association slovène des études slaves. En 1947-1948 et i954-i955>
ü
fi"
également vice-doyen de la Faculté des lettres de
Ljubljana
avant d'en deve¬
nir le doyen en
1955-1956
et 1956-1957.
Au printemps
1957,
après une période de travail très soutenu, Anton Ocvirk
fut de nouveau frappé par le destin et contraint de stopper ses activités pen¬
dant un an. Contrairement à ce qui s'était produit après la guerre, où il
s'était tout de suite remis au travail malgré la fatigue, il ne se remit jamais
vraiment physiquement de l'hémorragie cérébrale subie cette année-là. Son
cœur en fut affaibli et il fut à nouveau frappé d'une attaque quelques an¬
nées plus tard. Dès la première attaque, il resta durablement atteint sur le
plan moteur, incapable de faire plus de quelques pas en s'appuyant sur
—
253
une
Resumé
canne. Avec une infinie volonté, et en dépit d'interruptions occasionnelles, il
poursuivit les travaux en cours sans réduire leur ampleur, mais à un rythme
moins soutenu et sans avoir la possibilité, comme avant la guerre, de se ren¬
dre à l'étranger pour rencontrer les grands comparatistes européens. C'est à
cette époque que se forma un successeur particulièrement marquant,
Dušan
Pirjevec, qui, alors qu'il n'était encore que son assistant, l'aida à surmon¬
ter la crise. Une fois habilité, ce jeune
comparatiste
enseigna comme pro¬
fesseur aux côtés d'Ocvirk, ouvrant aux nouvelles générations d'étudiants
des perspectives d'étude de la littérature différentes. Après lui, quatre ensei¬
gnants vinrent renforcer le département de littérature comparée. De même
que
Dušan
Pirjevec, ces derniers collaborèrent aux autres projets collectifs
dirigés par Anton Ocvirk.
* * *
Le plus ambitieux de ces projets
-
et celui qui perdurera le plus longtemps
—
fut la direction de l'éminente collection intitulée
«
Les œuvres complètes
des poètes et écrivains slovènes
» («
Zbrana
dela
slovenskih
pesnikov in
pi¬
satelj
ev
»),
constituée de volumes de facture identique proposant les œuvres
des auteurs classiques de la littérature slovène des
XVIIIe, XIXe
et
XXe
siècles.
Notons que la nécessité de concevoir des éditions de ce type
-
inexistantes
jusqu'alors
-
avait déjà été formulées par
Ivan Prijatelj,
le professeur d'An¬
ton Ocvirk, dans les œuvres complètes de plusieurs prosateurs slovènes du
XIXe
siècle qu'il s'était chargé d'élaborer. Cependant, son idée s'était avérée
irréalisable durant l'entre-deux-guerres. Après la seconde guerre mondiale,
les éditions
Državna založba Slovenije,
établissement nouvellement fondé,
inclut ce projet dans son programme d'activités, décidant qu'Anton Ocvirk,
élève et successeur d'Ivan
Prijatelj,
en serait le directeur. En effet, ce dernier
avait déjà fait ses preuves en tant que directeur de publication en élaborant
les Actes Levstik
(1933)
et la revue
Ljubljanski zvon
(1934)
ainsi que lors de la
mise en forme de la longue monographie posthume d'Ivan
Prijatelj
conser¬
vée à l'état de manuscrit, Histoire culturelle et politique des Slovènes
1848-18%
{Kulturna
in
politična
zgodovina Slovencev
1848-189$ ;
I-V,
1938-40).
Com¬
me l'idée d'une présentation collective de la littérature slovène conçue sur le
modèle des éditions existant dans les autres littératures d'Europe occiden¬
tale et centrale ne lui était pas étrangère, il élabora rapidement de nouveaux
cadres qui, adaptés aux circonstances et à la situation des études comparées
slovènes, s'avérèrent bientôt réalisables et viables à long terme. En effet, en
dépit de diverses difficultés et retards, la collection non seulement survé¬
cut au décès d'Anton Ocvirk en
1980,
mais continue aujourd'hui encore,
sous l'égide d'un nouveau directeur, l'académicien et ancien collaborateur
254
znameniti
slovenei
ďOcvirk France Bernik,
à se développer selon les principes de départ et com¬
porte aujourd'hui plus de
200
volumes.
L'éditeur souhaitait obtenir un panorama représentatif des auteurs slovènes
classiques, à la fois
elitiste et
accessible à tous. Ces exigences paradoxales
conféraient à la collection un caractère hybride qui s'estompa peu à peu au
profit d'un concept scientifique et critique. En tant que directeur de collec¬
tion, Ocvirk insista pour que soient commentés de manière approfondie les
textes que certains auteurs, notamment dans les premiers temps, avaient mo¬
dernisés sur le plan orthographique et lexical de façon à le rendre plus acces¬
sible au lecteur contemporain alors que les spécialistes, eux, auraient davan¬
tage apprécié la publication de textes originaux non corrigés.
Au départ, le choix des auteurs inclus dans la collection, de même que l'or¬
dre de parution des volumes, ne furent probablement fixés qu'en partie et
restèrent donc ouverts. En effet, Anton Ocvirk ne voulait pas opter pour
le principe chronologique selon lequel la collection aurait en premier lieu
proposé aux lecteurs les œuvres des
«
classiques
»
les plus anciens. Cette
organisation qui, du moins à première vue, pouvait paraître plus claire et
systématique, aurait été sans aucun doute difficilement réalisable et proba¬
blement aussi moins attrayante. En effet, l'édition d'oeuvres plus anciennes
est précisément en bien des points plus exigeante que celle des œuvres plus
récentes et nécessite la participation de spécialistes des périodes les plus éloi¬
gnées dans le temps, beaucoup moins nombreux que ceux travaillant sur les
périodes postérieures
;
par ailleurs, de façon générale, les lecteurs s'intéres¬
sent davantage aux auteurs plus récents. Anton Ocvirk décida donc, en fonc¬
tion des spécialistes pouvant prendre en charge la rédaction et l'annotation
des œuvres de tel ou tel auteur, de commencer à éditer simultanément les
premiers volumes concernant plusieurs poètes et écrivains d'époques diffé¬
rentes. Ceux-ci étaient censés apparaître sous un jour nouveau grâce à la pu¬
blication d'œuvres encore inédites et d'un appareil critique accompagnant le
texte. Dans les pages désignées sous la dénomination modeste de
«
Notes
»,
les rédacteurs ne se contentaient pas de commenter les éléments des textes
nécessitant d'être expliqués, mais décrivaient avec précision la genèse et la
réception des œuvres, publiant également les éventuels brouillons, publica¬
tions partielles et variantes.
Il réunit dans son équipe un cercle appréciable de slavistes expérimentés
ayant déjà étudié à fond
«
leurs
»
auteurs. Ceux-ci se mirent à travailler pa¬
rallèlement, mais en suivant une méthode commune à tous. Anton Ocvirk
préféra au strict ordre chronologique de parution d'œuvres bien souvent hé¬
térogènes le principe plus clair de mise en relation des œuvres en fonction
des genres littéraires dont elles relèvent au sein de catégories organisées selon
l'ordre chronologique. Ainsi, les rédacteurs commençaient par les œuvres
255
Resumé
poétiques (depuis les plus précoces jusqu'aux dernières), puis présentaient de
la même manière le théâtre et la prose, cette dernière étant, selon les auteurs,
subdivisée en regroupements de nouvellettes, nouvelles, récits et romans,
auxquels s'ajoutaient tous les autres genres (récits de voyage, essais, articles,
discours, journaux,
.)·
Dans les derniers volumes, à la suite des œuvres à
proprement parler, les rédacteurs proposaient aux lecteurs la correspondance
dont ils disposaient, de sorte que l'œuvre de chaque poète ou écrivain était
présentée dans son intégralité.
Le projet ainsi conçu, avec des collaborateurs peu nombreux mais compé¬
tents et motivés, fut rapidement mis en place
:
dès
1946
virent le jour les
quatre premiers volumes d'une collection qui, en
1980,
en comprenait déjà
plus de
100.
La première génération de collaborateurs, constituée de spécia¬
listes soit plus âgés et conservateurs que le directeur de la collection, soit du
même âge que lui mais parfois en désaccord avec ses idées, céda le pas à une
nouvelle génération, plus jeune et mieux adaptée. Bien que ce type de travail
ingrat, jugé peu créatif, suscitât de moins en moins de vocations et que l'édi¬
teur dût progressivement réduire le tirage des volumes (en raison de l'impo¬
pularité croissante des projets nationaux au sein de la Yougoslavie
federative),
Anton Ocvirk parvint, en choisissant judicieusement ses collaborateurs et en
assurant une bonne coordination entre eux, à garder un rythme de travail
progressivement moins soutenu, certes, mais régulier. Ainsi, jusqu'à la fin des
années cinquante, la collection s'enrichit de quatre volumes en moyenne par
an, puis de trois par an durant les années soixante et soixante-dix.
Anton Ocvirk suivait de près la préparation des volumes, relisant jusqu'aux
épreuves précédant la sortie de chacun d'entre eux. Pourtant, il ne fut pas
mentionné comme directeur de la collection
;
il faudra attendre son suc¬
cesseur, France Bernik, pour que cette donnée figure dans les livres. De ce
point de vue, eu égard à leur ampleur, les œuvres complètes d'Ivan Cankar
font figure d'exception
:
contrairement aux autres volumes de la collection,
toujours préparés par un seul rédacteur, et contrairement aussi à la première
édition des œuvres de l'écrivain en vingt tomes préparée avant la guerre par
Izidor
Cankar, la nouvelle édition en trente volumes
-
intégralement pu¬
bliée entre
1967
et
1976 -
fut préparée par cinq rédacteurs différents d'après
le plan de travail proposé par un directeur unique, Anton Ocvirk, men¬
tionné cette fois-ci comme rédacteur en chef du projet. Celui-ci écrivit pour
le premier volume
(1967)
une contribution expliquant les principes appli¬
qués pour l'élaboration des trente volumes et, pour les volumes
6
et
7 (1967,
1970),
deux longues études ayant trait à l'évolution du style de Cankar dans
ses premières œuvres en prose.
Les études de ce type n'étaient pas systématiquement incluses dans l'appareil
critique commun aux volumes de la collection. En réalité, nous pouvons les
256
znameniti
slovend
interpréter comme les vestiges de la partie non réalisée du projet élaboré ini¬
tialement par Ocvirk qui prévoyait l'élaboration par les différents rédacteurs
d'une monographie ayant trait à chaque auteur, imprimée dans le dernier vo¬
lume des œuvres complètes. Or, mécontent du résultat obtenu, le directeur
renonça à publier la première monographie rédigée dans cette optique. La
conclusion synthétique des
«
notes
»
documentaires et analytiques fut donc
purement et simplement supprimée de l'ensemble du projet qui s'en trouva
ainsi considérablement amoindri. Seul France Bernik, le directeur suivant,
parviendra à réaliser cette idée pour les volumes dont il dirigera l'élabora¬
tion. Quant à Anton Ocvirk, dans le cadre d'une nouvelle collection intitu¬
lée
«
Monographies complétant les œuvres complètes des poètes et écrivains
slovènes
»,
il proposa en
1955,
en guise de compensation, un ouvrage intitulé
Histoire politico-culturelle et littéraire des Slovènes 1848-1895, version revue et
augmentée de la monographie d'Ivan
Prijatelj
ayant trait à la seconde moi¬
tié du
XIXe
siècle, de nouveau commentée. Dans les troisième et quatrième
tomes, en dehors des notes historiques, il inclut deux études
: «
Lesjeunes
slovènes et La jeune Europe
» (1958), «
Ivan Prijatelj
et le réalisme slovène
»
(1961).
Dušan Kermauner,
à qui Ocvirk avait laissé le soin d'établir les com¬
mentaires politico-historiques, écrivit pour le cinquième volume une mono¬
graphie de
800
pages intitulée
«
La politique slovène entre
1879
et
1895 »
(1966).
Cependant, du fait des circonstances, cette dernière parut sous le ti¬
tre de
«
Notes
»,
sans mention extérieure du nom de l'auteur.
Pour cette collection, Anton Ocvirk s'occupa lui-même des œuvres complè¬
tes de deux écrivains
:
celles du prosateur réaliste
Janko Kersnik
et du poète
moderniste
Srećko
Kosovel. Classant ce dernier parmi les classiques sans at¬
tendre le délai de rigueur garantissant la
«
distance historique
»,
il publia le
premier tome de ses œuvres complètes dès la première année
(1946).
Il pen¬
sait sans doute que le gros du travail était ainsi terminé, mais, en réalité, il
n'en était rien
:
après avoir pendant une vingtaine d'années départagé, classé
et évalué les manuscrits du poète confiés par la famille précisément pour les
besoins de l'édition, le
comparatiste
finit par préparer la publication de la
poésie d'avant-garde de Kosovel jusqu'alors inconnue des lecteurs. C'est ain¬
si que parut, en
1967,
en dehors du volume édité dans le cadre des
«
Œuvres
complètes
»
et chez un autre éditeur, un choix de poèmes réunis sous le titre
intégrales
'26
{Integrali
'26).
Il est intéressant de constater que la publication
en slovène fut de deux ans postérieure à la parution de la traduction française
du poète Marc Alyn (Kosovel,
1965).
Après avoir réécrit et refondu le premier
volume
(1964)
et préparé les numéros
2
et
3 (1974= 1977)»
^оп
Ocvirk pré¬
senta enfin l'ensemble de l'œuvre de Kosovel, s'attirant ainsi plus de critiques
que de félicitations. Lors de la parution des Intégrales, les traditionalistes lui
avaient déjà reproché d'avoir de son propre chef gâché l'image authenti¬
que de Kosovel et les modernistes d'avoir, par pur opportunisme, retardé la
2-57
Resumé
publication de ces merveilleuses découvertes. En réalité, la présentation de
l'œuvre de Kosovel est le projet auquel Ocvirk consacra le plus d'efforts et le
seul qu'il mena à terme. En effet, la monographie de
Prijatelj
et les œuvres
complètes de Kersnik ne finirent de paraître qu'après sa mort, sous l'égide de
deux autres directeurs de publication.
* * *
Anton Ocvirk dirigea
Shvistična revija,
la revue de l'Association des slavistes
slovènes destinée à l'histoire littéraire et à la linguistique, depuis sa fondation
en
1948
jusqu'en
1963,
mais là encore il n'est mentionné qu'en tant que mem¬
bre du comité de rédaction et non comme directeur. Dans le premier nu¬
méro, il publia une
editorial
énonçant les grandes lignes de son programme
déjà mis en application à cette même époque dans la collection des
«
Œu¬
vres complètes des poètes et écrivains slovènes
».
En effet, le chercheur sou¬
haitait que la slavistique slovène cessât de procéder à une simple collection
de faits pour s'orienter désormais vers des études et des monographies ana¬
lytiques et synthétiques de plus grande ampleur
;
par ailleurs, il considérait
que l'histoire littéraire devait rester en contact avec les événements culturels
contemporains, s'ouvrir à la perspective
comparatiste
et s'associer à la théo¬
rie littéraire.
Cependant, Anton Ocvirk ne publia lui-même aucun article dans la revue,
se contentant d'y faire paraître trois courtes contributions à caractère occa¬
sionnel. Bien qu'il prît soin de maintenir le travail d'histoire littéraire à un
niveau acceptable en invitant des comparatistes issus de ses séminaires à pu¬
blier leurs travaux, la revue ne cessait d'avoir du retard
:
les quatre numéros
annuels prévus ne parurent jamais et furent remplacés par deux numéros
double, voire, à quelques reprises, un seul numéro quadruple. Quand la re¬
vue eut totalement cessé de paraître pendant plusieurs années, Anton Ocvirk
chargea un plus jeune de reprendre la direction de la publication. Peut-être
ces difficultés liées à la parution irrégulière de la revue expliquent qu'il n'y
ait pas publié ses travaux les plus ambitieux. L'étude intitulée
«
Nouvelle ap¬
proche du style poétique
»,
par exemple, entrait sans contexte dans le cadre
des articles paraissant dans
Shvistična revija.
Pourtant, quand, en raison de
l'opposition idéologique à l'égard de la théorie littéraire, cette étude ne put
paraître en volume comme prévu, Anton Ocvirk préféra la publier en quatre
fois dans
Naša sodobnost
{Notre présent,
19 51),
revue moins spécialisée mais
dont la parution était plus régulière.
258
znameniti
slovend
* * *
Anton Ocvik ne cessa pourtant pas de s'intéresser aux événements littéraires
contemporains, n'hésitant pas à intervenir dans plusieurs controverses. En
1952,
lorsque les adversaires de la littérature dite
«
bourgeoise
»
se déclarè¬
rent opposés à Lumière d'août de William Faulkner, roman tout juste paru
en traduction slovène et en désaccord manifeste avec la poétique du réalisme
socialiste, le
comparatiste
slovène, ne craignit pas de froisser les dogmatiques
en attirant l'attention des lecteurs sur la fonctionnalité des procédés sophis¬
tiqués utilisés par l'auteur, comparant ce dernier à Proust et à Joyce, donc
aux plus grands maîtres du roman moderne. En
1956,
il écrivit une critique
négative à l'encontre de Voyage au pays de cocagne (Potovanje
v
Koromandi-
jo), pièce d'inspiration existentialiste de
Dominik Smole.
Dans cet article, il
s'inscrit contre l'idéologie pessimiste sous-tendant le courant littéraire fran¬
çais. Cette intervention lui valut d'être longtemps en mauvais termes avec la
jeune génération des écrivains modernistes qui l'accusa ensuite d'avoir vo¬
lontairement laissé dans l'ombre l'œuvre du poète slovène Kosovel et d'être
l'un des plus marquants détracteurs de la littérature moderne, au même ti¬
tre que
Josip
Vidmar, le président de l'Académie slovène des Sciences et des
Arts.
* *
En
1964,
Anton Ocvirk fut admis à l'Académie avec le soutien de
Josip
Vid¬
mar. C'est cette même année que parurent les premiers volumes d'une nou¬
velle collection appelée
«
Cent romans
» («
Sto románov
»),
préparée pa¬
rallèlement à la collection des
«
Œuvres complètes
»,
mais chez un autre
éditeur. Ce projet, qui complétait le panorama des classiques slovènes en y
ajoutant la traduction slovène de cent romans représentatifs issus de littéra¬
tures mondiales différentes, était sans aucun doute en parfait accord avec les
préoccupations du
comparatiste
slovène. Créée dans ses grandes lignes par
son directeur, le poète
Cene
Vipotnik, la collection
flit
ainsi élaborée par
Anton Ocvirk qui, ici encore, s'efforça d'allier textes difficiles et textes at¬
trayants pour le lecteur contemporain.
La collection était destinée au grand public, à tous les amateurs de romans.
Notons que ces œuvres étaient souvent connues depuis longtemps des lec¬
teurs qui y avaient eu accès par l'intermédiaire de collections plus modestes,
parues à un rythme plus espacé dans le temps. Comme son nom l'indiquait,
la collection
«
Cent romans
»
devait comporter cent œuvres qui paraîtraient
en dix ans à raison de dix par an. Les premières années, la publication suivit
le rythme prévu avant d'être ralentie en raison du décès brusque de Vipotnik
en
1972
et des nouveaux problèmes de santé d'Anton Ocvirk. Cependant,
Resumé
Tone Pavček,
le nouveau directeur de la collection, veilla à ce que le projet
fut mené à son terme, quoique trois ans plus tard que prévu. En outre, dix
ans plus tard, entre
1986
et
1989,
il prit l'initiative de réimprimer l'ensemble
de la collection considérée comme un grand succès
editorial.
L'élément nouveau ayant conféré à la collection sa notoriété auprès des lec¬
teurs était l'élaboration d'études originales assez longues accompagnant cha¬
que roman, rédigées sous l'égide d'Ocvirk par de jeunes spécialistes, le plus
souvent des comparatistes ayant suivi son séminaire. Le professeur souhaitait
que chacune de ces études comportât des données historiques exactes tout en
abordant une problématique relative à l'œuvre concernée, le tout dans une
langue agréable à lire. Bien que ce travail nécessitât une préparation longue
et approfondie, les études ne retardèrent pas la parution de la collection, dé¬
passant même bien souvent les attentes du directeur.
Les
«
Cent romans
»
datent pour la plupart des
XIXe
et
XXe
siècles. Ce¬
pendant, sont également prises en compte certaines œuvres plus anciennes,
comme les romans grec et latin
(Heliodor,
Pétrone), le roman médiéval japo¬
nais (Murasaki Shikibu), le roman espagnol de la Renaissance (Cervantes),
le roman français classique (La Fayette, Voltaire), le roman des Lumières et
sentimental anglais (Swift, Sterne), le roman baroque allemand (Grimmels-
hausen). Parmi les littératures nationales sont le plus représentées les cinq
«
grandes
»
littératures occidentales
:
les littératures française
(22
romans),
russe
(18),
anglaise
(16),
américaine
(12)
et allemande
(11),
auxquelles s'ajou¬
tent trois
«
plus petites
»,
les littératures italienne
(3),
polonaise
(2)
et serbe
(2).
Les quatorze romans restants se répartissent entre onze autres littératu¬
res européennes (un roman de chaque) et trois littératures non européen¬
nes
:
les littératures du Bengale, guatémalienne et japonaise. Parmi les œu¬
vres concernées, beaucoup n'avaient jamais encore été traduites en slovène.
À ces nouveautés s'ajoutait la réimpression des romans les plus appréciés du
public ou injustement négligés.
La participation personnelle d'Anton Ocvirk aux
«
Cent .romans
»
com¬
prend la réimpression de sa traduction d'avant-guerre des Caves du Vatican
d'André Gide et six études qui seront ensuite réimprimées, classées suivant
l'ordre chronologique des œuvres traitées, dans le premier recueil d'articles
intitulé Le roman européen
{Evropski
roman,
1977) : «
Goethe et le martyre
de Werther
» (1976), «
Flaubert et Madame Bovary
» (1964), «
L'Éduca¬
tion sentimentale ou l'homme dans le monde des apparences trompeuses
»
(1968), «
Le Jeune homme de Dostoïevski ou la révélation du chaos
» (1966),
«
André Gide ou Narcisse désenchanté
» (1965), «
Dans le monde de Proust
ou dans le monde des images
»
(1971). Dans la préface, l'auteur explique le
projet auquel se rapporte le titre général du recueil,
«
le roman européen
»,
soulignant qu'il ne s'agit en aucun cas d'une histoire ou théorie achevée du
260
znameniti
slovend
genre littéraire, mais d'un panorama de la création spirituelle et artistique
européenne des deux derniers siècles basé sur l'étude de six œuvres repré¬
sentatives
«
ayant influencé l'espace européen par leur sujet et leur structure
artistique
»,
c'est-à-dire ayant fait de la littérature européenne une entité
culturelle multinationale. En même temps,
Dušan Pirjevec
réunit à son tour
ses études dans un ouvrage intitulé également Le roman européen
{Evropski
roman,
1979)
publié à titre posthume. En s'appuyant sur l'analyse de douze
autres romans tout aussi influents que ceux étudiés par Anton Ocvirk, le
chercheur détermine les constantes et modifications ontologiques du roman
européen et montre, en adoptant une autre perspective, les caractéristiques
de son développement. En se faisant l'écho de réflexions nouvelles, la collec¬
tion
«
Cent romans
»
souligne avant tout l'unité de la culture européenne
où la culture slovène se trouve implicitement incluse.
* * *
En
1975,
alors que les
«
Cent romans
»
n'étaient pas encore tous parus,
l'académicien Anton Ocvirk dirigea un volume portant le nom de son dé-
dicataire,
Josip
Vidmar, critique littéraire et de théâtre influent, président
du Front de libération pendant la guerre puis de l'Académie slovène des
sciences et des arts, qui fêtait alors ses quatre-vingts ans. Ocvirk aurait pu,
à l'instar d'un grand nombre de collaborateurs politiques et culturels invi¬
tés, écrire pour l'occasion un article commémoratif nourri de la matière ri¬
che et diverse dont il disposait. En effet, en dépit des différends intervenus
entre les deux hommes avant la guerre, Vidmar avait, entre autre, collaboré
avec Ocvirk à l'élaboration des
«
Œuvres complètes des poètes et écrivains
slovènes
»
ainsi qu'aux
«
Cent romans
».
Cependant, le
comparatiste
opta
pour une analyse complexe de l'activité centrale de
ľéminent
octogénaire
:
la critique littéraire. L'étude intitulée
«
La pensée esthétique de Vidmar et la
littérature
»
est tolérante, en apparence non polémique, même si l'auteur ne
cache pas les différences fondamentales caractérisant sa propre conception
de la littérature. En effet, selon Vidmar, l'esthétique révèle ce qui est absolu
dans l'art, ce qui signifie que ses lois sont éternelles, mais susceptibles d'être
appréhendées intuitivement. De son côté, Anton Ocvirk défend la convic¬
tion avérée selon laquelle les normes esthétiques changent, diffèrent suivant
les époques et les espaces culturels tout en étant accessibles à la raison. Ainsi,
au nom des lois du Beau, abstraites, postulées de manière subjective, Vidmar
juge arbitrairement les œuvres littéraires concrètes. Or, Ocvirk, s'appuyant
sur les propres commentaires du critique, constate que ce dernier, bien que
se référant à l'esthétique, est guidé dans ses évaluations par des critères psy¬
chologiques et cognitifs, et non par des critères esthétiques. Cependant, il
concède que son aîné, par son attachement à la littérature dite
«
élevée
»,
2,61
Resumé
a
introduit de maniere coherente
des critères exigeants et, en rejetant ra¬
dicalement les courants modernes du
XXe
siècle, a poussé les partisans de
ces derniers à exprimer leur point de vue. Dans l'article consacré à Vidmar,
Ocvrik ne se contente pas de problématiser la pensée esthétique de l'illustre
critique littéraire (devenue de plus en plus le bastion d'une tradition profon¬
dément ancrée et en partie aussi soutenue par le régime), caractérisée par un
rejet apodictique de la littérature moderne. Il aborde également la question
bien plus vaste des critères subjectifs rentrant en compte dans l'évaluation
des œuvres littéraires, soulignant leur nécessaire adaptation aux affinités et
réflexions personnelles du critique et leur caractère problématique lorsqu'ils
sont présentés comme objectifs et universels.
Peu de temps après, dans le premier numéro de Primerjalna
književnost,
première revue slovène consacrée entièrement à la littérature comparée, pu¬
bliée par l'Association slovène de littérature comparée fondée en
1973,
An¬
ton Ocvirk publia un nouveau bilan faisant le point sur sa conception de la
littérature comparée et de son objet d'étude. Ainsi, l'article intitulé L'œuvre
poétique et h théorie littéraire
(1978)
remet en cause de manière fracassante les
théories littéraires depuis Aristote jusqu'à Guy Michaud et Etienne
Gilson.
En effet, l'auteur y explique pourquoi il ne se sent d'affinités idéologiques
et méthodologiques ni avec les théoriciens allemands néo-idéalistes, ni avec
les formalistes russes, ni avec les courants phénoménologico-existentialistes
contemporains. Son objectif est de proposer une synthèse cohérente et équi¬
librée, désignée sous le nom de
«
méthode fonctionnelle synthétique
»,
per¬
mettant de déterminer les
«
lois internes
»
de
1' «
organisme poétique
»
ou
du
«
mécanisme poétique
».
Bien qu'étant restée sans échos, cette étude est
intéressante dans la mesure où l'on y constate qu'Anton Ocvirk, depuis la ré¬
daction de son programme paru dans le premier numéro de
Slavistična revija
en
1948,
met désormais l'accent sur la théorie littéraire (et non sur l'histoire)
tout en continuant à affirmer la nécessité d'associer les deux approches.
Anton Ocvirk s'occupa de plus en plus de théorie littéraire également à
ľ«
Institut de littérature
»
de l'Académie slovène des sciences et des arts, re¬
baptisé sur son initiative
«
Institut de littérature slovène et d'études littérai¬
res
».
Dès son élection à l'Académie, le
comparatiste
se vit confier par
Josip
Vidmar la fonction d'administrateur de cet institut, fonction qu'il remplit
jusqu'à sa mort. Conformément au programme qu'il avait élaboré dès 1951,
alors qu'il n'était encore que collaborateur extérieur, il ajouta aux projets
d'histoire littéraire et bio-bibliographiques en cours un nouveau projet de
théorie littéraire
:
la série de publications regroupées sous le titre commun
262.
znamenití
slovend
ď«
Encyclopédie littéraire
» («
Literárni
leksikon
»)
qui commença à pa¬
raître en
1978.
Premier projet de ce type entièrement original, l'élaboration
de ces volumes nécessita des préparatifs bien plus longs que la collection
des
«
Cent romans
».
Dans sa conception première,
ľ«
Encyclopédie
»
de¬
vait être un ouvrage de facture classique, comportant des articles plus ou
moins longs (au nombre d'environ
3.000
d'après le premier glossaire établi
par Ocvirk) classés par ordre alphabétique. Mais il s'avéra qu'un tel projet, en
raison du nombre restreint de collaborateurs, durerait trop longtemps, c'est
pourquoi
ľ«
Encyclopédie
»
commença finalement à paraître sous la forme
de volumes indépendants comprenant des études plus longues, de véritables
monographies consacrées aux différents articles, c'est-à-dire aux concepts et
phénomènes littéraires choisis non pas d'après l'ordre alphabétique, mais se¬
lon la disponibilité des spécialistes compétents.
Les auteurs des volumes devaient se conformer à un schéma identique déter¬
miné par le directeur de la collection
:
il fallait tout d'abord expliquer l'ori¬
gine et la signification de la notion, son emploi ultérieur et ses éventuelles
mutations sémantiques (dans la langue d'origine, puis dans les autres lan¬
gues) en apportant une attention toute particulière à son entrée dans la lit¬
térature slovène
;
étaient ensuite décrites les caractéristiques du phénomène
recouvert par la notion ainsi que les grandes lignes de sa diffusion depuis la
littérature
«
mère
»
jusqu'aux autres et, plus particulièrement, son implan¬
tation, ses manifestations et sa signification dans l'espace culturel slovène.
Mais la réalisation d'une collection ainsi conçue aurait été sujette à caution si
l'Institut n'avait pas, les années précédentes, effectué un travail préparatoire
important
:
le relevé de toutes les mentions et études des termes littéraires
ainsi que des écrivains étrangers parues dans les périodiques slovènes entre
1770-1970. Une fois classées pour former le Catalogue des termes littéraires
et le Catalogue des auteurs étrangers, les quelque
400.000
notices rédigées
à la suite de ce travail furent d'un secours considérable pour les auteurs des
monographies constituant
ľ«
Encyclopédie littéraire
»,
soulagés de recher¬
ches individuelles fastidieuses. Notons que ces matériaux continuent à être
une source d'information importante pour les autres chercheurs et les étu¬
diants en littérature.
Durant les trois premières années, tant qu'Anton Ocvirk en fut le directeur,
ľ«
Encyclopédie littéraire
»
parut à raison de cinq volumes par an. Plus tard,
le rythme ralentit et en
2001,
la collection dirigée par
Janko
Kos,
membre
de l'Académie et collaborateur permanent d'Anton Ocvirk, cessa de paraître
après la sortie du quarante-sixième volume. Le premier directeur y contribua
cinq monographies, dont quatre parues à titre posthume. Il rédigea encore
lui-même le premier volume, La théorie littéraire
(1978),
et reçut les épreuves
du numéro double (nos
9-10)
intitulé Les systèmes métriques européens et le vers
263
Resumé
slovène
(1980)
qu'il ne verra pas paraître. Les onzième et seizième volumes,
L'œuvre littéraire et les moyens d'expression linguistiques (1981) et Limage poéti¬
que
(1982),
furent rédigés sur la base des préparations de cours universitaires.
Le professeur traita donc de quelques concepts et domaines littéraires fon¬
damentaux, suivi par d'autres auteurs qui en étudièrent de nombreux autres,
dont certains interdisciplinaires comme La littérature, La littérature popu¬
laire, Le livre, La poésie popuhire, La pièce de théâtre et le théâtre, La théorie
du théâtre, L'intertextualité
;
certaines orientations et méthodes des études
littéraires telles que Les typologies littéraires, La sociologie littéraire, Le positi¬
visme, L'histoire spirituelle, L'herméneutique
;
certaines domaines de la poéti¬
que et de la versification, comme La poétique de l'Lnde ancienne, La poétique
structurale, Les modèles métriques de l'Inde ancienne, Les formes et modèles mé¬
triques de la poésie grecque, Les modèles métriques médiévaux et en vieux-haut-
allemand, L'allitération
;
une série d'époques, de mouvements et de courants
littéraires, comme L'hellénisme, Les Lumières, Le préromantisme, Le romantis¬
me, L'expressionnisme, Le dadaïsme, L'imagisme, Le futurisme, Le constructivis¬
me, Le surréalisme, L'existentialisme, Le postmodernisme
;
plusieurs genres ou
sous-genres littéraires tels que Les oeuvres de la
«
poésie concrète
»,
Haïku
;
Le roman, Le roman d'épouvanté, Le roman sentimental, Le récit
;
La pièce de
théâtre, Le théâtre spirituel, La tragédie
;
Lessai.
L'explication des concepts théoriques et des phénomènes dans une perspec¬
tive historique, évolutive, représente la réalisation du programme ambitieux
d'Ocvirk
:
la symbiose entre l'histoire et la théorie littéraire ou, à l'inverse,
de la théorie littéraire et des événements littéraires concrets. Il montra lui-
même à nouveau son attachement à cette mise en relation dans le titre du
recueil d'articles le plus important paru après Le Roman européen
:
L'Œuvre
d'art entre l'histoire et la théorie
(1
1978,
II
1979).
Pour le quatrième et der¬
nier recueil dans lequel il regroupa lui-même interviews, articles, polémi¬
ques, critiques de théâtre et autres critiques littéraires, il choisit le titre un
peu suranné de
Miscellanea
(1984).
Comme s'il avait pressenti qu'il ne verrait
pas paraître ce quatrième recueil, il fit publier sa bibliographie dans le troi¬
sième. Nous y trouvons, mentionnées avec clarté, toutes ses publications.
Aujourd'hui, leur liste s'est allongée, enrichie par les nombreuses publica¬
tions posthumes.
Le fait que les œuvres aient survécu à leur auteur parle de lui-même. Il est
également significatif que la collection
«
Encyclopédie littéraire
»
ait pu
subsister, tout comme celle des
«
Œuvres complètes des poètes et écrivains
slovènes
»
qui continue à s'enrichir non plus sous la direction directe d'An¬
ton Ocvirk, mais en accord avec ses principes et conceptions.
Traduit par Florence Gacoin-Marks.
264 |
any_adam_object | 1 |
any_adam_object_boolean | 1 |
author_GND | (DE-588)1058747738 (DE-588)140515623 |
building | Verbundindex |
bvnumber | BV023300693 |
callnumber-first | P - Language and Literature |
callnumber-label | PN75 |
callnumber-raw | PN75.O485 |
callnumber-search | PN75.O485 |
callnumber-sort | PN 275 O485 |
callnumber-subject | PN - General Literature |
classification_rvk | KX 4990 |
ctrlnum | (OCoLC)259746584 (DE-599)BVBBV023300693 |
discipline | Slavistik |
discipline_str_mv | Slavistik |
era | Geschichte 1900-2000 |
era_facet | Geschichte 1900-2000 |
format | Book |
fullrecord | <?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?><collection xmlns="http://www.loc.gov/MARC21/slim"><record><leader>02028nam a2200505 c 4500</leader><controlfield tag="001">BV023300693</controlfield><controlfield tag="003">DE-604</controlfield><controlfield tag="005">20090702 </controlfield><controlfield tag="007">t</controlfield><controlfield tag="008">080515s2007 a||| |||| 00||| slv d</controlfield><datafield tag="020" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">9789616580243</subfield><subfield code="9">978-961-6580-24-3</subfield></datafield><datafield tag="035" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">(OCoLC)259746584</subfield></datafield><datafield tag="035" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">(DE-599)BVBBV023300693</subfield></datafield><datafield tag="040" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">DE-604</subfield><subfield code="b">ger</subfield><subfield code="e">rakwb</subfield></datafield><datafield tag="041" ind1="0" ind2=" "><subfield code="a">slv</subfield></datafield><datafield tag="049" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">DE-12</subfield><subfield code="a">DE-355</subfield></datafield><datafield tag="050" ind1=" " ind2="0"><subfield code="a">PN75.O485</subfield></datafield><datafield tag="084" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">KX 4990</subfield><subfield code="0">(DE-625)88208:</subfield><subfield code="2">rvk</subfield></datafield><datafield tag="084" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">7,41</subfield><subfield code="2">ssgn</subfield></datafield><datafield tag="245" ind1="1" ind2="0"><subfield code="a">Anton Ocvirk</subfield><subfield code="b">ob stoletnici rojstva</subfield><subfield code="c">Tone Smolej i Majda Stanovnik</subfield></datafield><datafield tag="264" ind1=" " ind2="1"><subfield code="a">Ljubljana</subfield><subfield code="b">Nova Revija</subfield><subfield code="c">2007</subfield></datafield><datafield tag="300" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">287 S.</subfield><subfield code="b">Ill.</subfield></datafield><datafield tag="336" ind1=" " ind2=" "><subfield code="b">txt</subfield><subfield code="2">rdacontent</subfield></datafield><datafield tag="337" ind1=" " ind2=" "><subfield code="b">n</subfield><subfield code="2">rdamedia</subfield></datafield><datafield tag="338" ind1=" " ind2=" "><subfield code="b">nc</subfield><subfield code="2">rdacarrier</subfield></datafield><datafield tag="490" ind1="0" ind2=" "><subfield code="a">Znameniti Slovenci</subfield></datafield><datafield tag="500" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">Zsfassung in franz. Sprache</subfield></datafield><datafield tag="600" ind1="1" ind2="4"><subfield code="a">Ocvirk, Anton</subfield></datafield><datafield tag="600" ind1="1" ind2="7"><subfield code="a">Ocvirk, Anton</subfield><subfield code="d">1907-1980</subfield><subfield code="0">(DE-588)128144076</subfield><subfield code="2">gnd</subfield><subfield code="9">rswk-swf</subfield></datafield><datafield tag="648" ind1=" " ind2="4"><subfield code="a">Geschichte 1900-2000</subfield></datafield><datafield tag="650" ind1=" " ind2="4"><subfield code="a">Geschichte</subfield></datafield><datafield tag="650" ind1=" " ind2="4"><subfield code="a">Literatur</subfield></datafield><datafield tag="650" ind1=" " ind2="4"><subfield code="a">Comparative literature</subfield></datafield><datafield tag="650" ind1=" " ind2="4"><subfield code="a">Criticism</subfield><subfield code="z">Slovenia</subfield><subfield code="x">History</subfield><subfield code="y">20th century</subfield></datafield><datafield tag="650" ind1=" " ind2="4"><subfield code="a">Literature</subfield><subfield code="x">History and criticism</subfield><subfield code="x">Theory, etc</subfield></datafield><datafield tag="689" ind1="0" ind2="0"><subfield code="a">Ocvirk, Anton</subfield><subfield code="d">1907-1980</subfield><subfield code="0">(DE-588)128144076</subfield><subfield code="D">p</subfield></datafield><datafield tag="689" ind1="0" ind2=" "><subfield code="5">DE-604</subfield></datafield><datafield tag="700" ind1="1" ind2=" "><subfield code="a">Smolej, Tone</subfield><subfield code="d">1972-</subfield><subfield code="e">Sonstige</subfield><subfield code="0">(DE-588)1058747738</subfield><subfield code="4">oth</subfield></datafield><datafield tag="700" ind1="1" ind2=" "><subfield code="a">Stanovnik, Majda</subfield><subfield code="d">1934-</subfield><subfield code="e">Sonstige</subfield><subfield code="0">(DE-588)140515623</subfield><subfield code="4">oth</subfield></datafield><datafield tag="856" ind1="4" ind2="2"><subfield code="m">Digitalisierung BSBMuenchen</subfield><subfield code="q">application/pdf</subfield><subfield code="u">http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000003&line_number=0001&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA</subfield><subfield code="3">Inhaltsverzeichnis</subfield></datafield><datafield tag="856" ind1="4" ind2="2"><subfield code="m">Digitalisierung BSB Muenchen</subfield><subfield code="q">application/pdf</subfield><subfield code="u">http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000004&line_number=0002&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA</subfield><subfield code="3">Abstract</subfield></datafield><datafield tag="940" ind1="1" ind2=" "><subfield code="n">oe</subfield></datafield><datafield tag="999" ind1=" " ind2=" "><subfield code="a">oai:aleph.bib-bvb.de:BVB01-016485155</subfield></datafield><datafield tag="942" ind1="1" ind2="1"><subfield code="c">929</subfield><subfield code="e">22/bsb</subfield><subfield code="f">0904</subfield><subfield code="g">4973</subfield></datafield><datafield tag="942" ind1="1" ind2="1"><subfield code="c">809</subfield><subfield code="e">22/bsb</subfield><subfield code="g">4973</subfield></datafield></record></collection> |
id | DE-604.BV023300693 |
illustrated | Illustrated |
index_date | 2024-07-02T20:46:30Z |
indexdate | 2024-07-09T21:15:19Z |
institution | BVB |
isbn | 9789616580243 |
language | Slovenian |
oai_aleph_id | oai:aleph.bib-bvb.de:BVB01-016485155 |
oclc_num | 259746584 |
open_access_boolean | |
owner | DE-12 DE-355 DE-BY-UBR |
owner_facet | DE-12 DE-355 DE-BY-UBR |
physical | 287 S. Ill. |
publishDate | 2007 |
publishDateSearch | 2007 |
publishDateSort | 2007 |
publisher | Nova Revija |
record_format | marc |
series2 | Znameniti Slovenci |
spelling | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva Tone Smolej i Majda Stanovnik Ljubljana Nova Revija 2007 287 S. Ill. txt rdacontent n rdamedia nc rdacarrier Znameniti Slovenci Zsfassung in franz. Sprache Ocvirk, Anton Ocvirk, Anton 1907-1980 (DE-588)128144076 gnd rswk-swf Geschichte 1900-2000 Geschichte Literatur Comparative literature Criticism Slovenia History 20th century Literature History and criticism Theory, etc Ocvirk, Anton 1907-1980 (DE-588)128144076 p DE-604 Smolej, Tone 1972- Sonstige (DE-588)1058747738 oth Stanovnik, Majda 1934- Sonstige (DE-588)140515623 oth Digitalisierung BSBMuenchen application/pdf http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000003&line_number=0001&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA Inhaltsverzeichnis Digitalisierung BSB Muenchen application/pdf http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000004&line_number=0002&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA Abstract |
spellingShingle | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva Ocvirk, Anton Ocvirk, Anton 1907-1980 (DE-588)128144076 gnd Geschichte Literatur Comparative literature Criticism Slovenia History 20th century Literature History and criticism Theory, etc |
subject_GND | (DE-588)128144076 |
title | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva |
title_auth | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva |
title_exact_search | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva |
title_exact_search_txtP | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva |
title_full | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva Tone Smolej i Majda Stanovnik |
title_fullStr | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva Tone Smolej i Majda Stanovnik |
title_full_unstemmed | Anton Ocvirk ob stoletnici rojstva Tone Smolej i Majda Stanovnik |
title_short | Anton Ocvirk |
title_sort | anton ocvirk ob stoletnici rojstva |
title_sub | ob stoletnici rojstva |
topic | Ocvirk, Anton Ocvirk, Anton 1907-1980 (DE-588)128144076 gnd Geschichte Literatur Comparative literature Criticism Slovenia History 20th century Literature History and criticism Theory, etc |
topic_facet | Ocvirk, Anton Ocvirk, Anton 1907-1980 Geschichte Literatur Comparative literature Criticism Slovenia History 20th century Literature History and criticism Theory, etc |
url | http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000003&line_number=0001&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA http://bvbr.bib-bvb.de:8991/F?func=service&doc_library=BVB01&local_base=BVB01&doc_number=016485155&sequence=000004&line_number=0002&func_code=DB_RECORDS&service_type=MEDIA |
work_keys_str_mv | AT smolejtone antonocvirkobstoletnicirojstva AT stanovnikmajda antonocvirkobstoletnicirojstva |